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La (grosse) paye de Rambo

Jacques Boissinot / La Presse Canadienne Photo: Jacques Boissinot / La Presse Canadienne

L’essence du discours de Bernard Gauthier, ont l’a compris, réside dans une critique acerbe de ce qu’il qualifie «d’élites». Plutôt imprécis, comme concept. Mais qu’importe. Tout bon populiste, voire démagogue 2.0, aura rapidement saisi l’aspect porteur de la recette. Celle-ci, simple et simpliste consiste en ceci: peuple, tu te fais avoir. À bas les voleurs, manipulateurs et autres arnaqueurs.

Pas du génie nucléaire, en bref. Mais ça fonctionne. Systématiquement ou presque. Parlez-en à Trump, lequel, malgré un cabinet aux fortunes personnelles de plus de 14 milliards, réussit à faire avaler aux Américains qu’il révoquera un système les ayant gavés jusqu’à la gueule.

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On apprenait, cette semaine, que le chef du Parti des citoyens au pouvoir bénéficiait, annuellement, d’un salaire de 108 000$. Le job en question? Représentant de l’Union des opérateurs de machinerie lourde. Plusieurs remarques viennent, sans trop forcer, en tête.

D’abord, et quoi qu’on en dise, aucune paradoxe à être à la fois à gauche et bien nanti, financièrement parlant. L’un des grands bâtisseurs du Québec moderne, Jacques Parizeau, était à la fois ardent social-démocrate et bourgeois assumé. Riche de fortune et de coeur, quel problème?

Cela dit, et comme il l’admet lui-même, Rambo est ni à gauche, ni à droite, ni au centre. Normal. Sans vouloir tomber dans la catégorisation excessive, les syndicats post-années 1960 figurent habituellement sur une seule case de l’échiquier politique: celle du corporatisme. On protège les intérêts des membres, et voilà tout. À gauche ou social-démocrates, les syndicats occidentaux? Pas tant, non. Corporatistes, plutôt. Sauce grand sommet économique de Lucien Bouchard, où patrons et syndicats sont seuls présents à la table des négos. Et que les non-syndiqués se débrouillent.

Un salaire dans les six chiffres comme syndicaliste, donc? Tant mieux pour Rambo. Mais difficile de causer ensuite luttes sociales. À 108 000$ sur la Côte-Nord, où le coût de la vie est relativement peu élevé, tu n’as rien à voir avec la classe moyenne. Plutôt avec celle des privilégiés. Le 6% des mieux payés de la province.

Ici encore, le principal problème réside dans la bullshit. Rambo à la défense des démunis? Un genre de Françoise David aux gros bras (et casier judiciaire)? Non. Rambo a défendu et défend encore, et c’est son droit, le corporatisme. Celui qui amène, ironiquement, les syndicats à faire partie de l’élite pourtant dénoncée. Quand l’a-t-on entendu plaider en faveur du salaire minimum à 15$ l’heure, au fait?

Interrogé sur son généreux salaire, le Trump québécois (c’est lui qui se qualifie ainsi), allait bien sûr invectiver la journaliste à coup de gros jurons et d’insultes. Évidemment. Autre classique populiste: faire brailler le monde. Lors de cette même entrevue, le représentant syndical affirme être payé, au total, un gros 2$ l’heure. Sur 108 000$, on parle donc de… 54 000 heures par année. 1038 heures semaine.

Votons Rambo. On en aura, enfin, pour notre argent.

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