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Le prix de l’apathie

Demonstrators of a right wing group, "La Meute" demonstrate in silence in front of the legislature, Sunday, August 20, 2017 in Quebec City. THE CANADIAN PRESS/Jacques Boissinot Photo: Jacques Boissinot/La Presse canadienne

Quoi? Pas moyen de partir un petit trois semaines en vacances sans que tu fasses le débile? Une manif anti-immigration «illégale» qui dérape du fait de la violence… d’opposants? Sérieux, Québec, t’es pas cool.

Le pire est que, pendant l’affrontement en question, moi, j’étais dans le quartier hippie de San Francisco. L’amour à tue-tête, la paix à bouche que veux-tu (ou l’inverse). Une panoplie de trucs anti-Trump, les rues encore pleines de vestiges de manifs sur le Vietnam. Alors moi, tu vois, j’allais justement t’écrire là-dessus : la paix. Et comme si tu souhaitais me ramener à l’ordre, tu fais le clown. À grands coups de hurlements de loups racistes dégénérés [insérer ici un gag sur le terme «pléonasme»]. À grands coups de faux prétextes. À grands coups de vomissements jadis islamo, devenus purement fachos. À grands coups de cassettes style extrême-droite, celle qui se termine systématiquement mal.

Pas fier de toi, mon Québec. Et pas seulement du fait que La Meute et ses sbires (combien de Like, sur leur page, déjà?) soient dangereux. Non, pas tant ça qu’autre chose, pour être honnête. Ce qui m’embête est d’un tout autre ordre, et bien plus grave. On appelle ça l’instrumentalisation et la légitimation.

L’instrumentalisation, d’abord. Parce que ne nous comptons pas d’histoire, Québec. Les dérapages actuels, on les voyait venir un mille à la ronde. Des calculs électoraux de politiciens en manque de votes, prêts à tout pour reconquérir Rimouski-Ouest. On affirme «qu’il y a des hidjabs partout, ça suffit». On compare le niqab à un déversement de pétrole. On souhaite leur faire passer un test des valeurs, sous peine de déportation. Typiquement québécois, comme modus operandi? Bien sûr que non. Occidental, plutôt. Voir Trump, notamment. Mais cela n’excuse rien. Comme chantait Renaud: « Le fascisme, c’est la gangrène, à Santiago comme à Paris.»

Légitimation, maintenant. Paraît qu’il faille éviter d’accorder trop d’attention à La Meute. Ah bon. Faudrait alors passer le message aux médias, dont plusieurs ont suivi la manif en direct. Comme si celle-ci revêtait une quelconque importance. Et évidemment, arriva ce qui devait arriver. Le wet dream médiatique par excellence. Des manifestants anti-Meute lui balancent quelques claques sur la gueule, et pis voilà, le vent qui tourne de bord. La Meute, respectueuse des lois. N’importe quoi.

Bravo ainsi à Jaggi Singh, alias le petit frère fatiguant, qui s’invite pour faire foirer une pertinente contre-manif. Et comme c’était prévisible pour n’importe qui (sauf le petit frère fatiguant, apparemment), les médias se sont emparés du truc, venant du coup mettre les deux «clans» sur un pied d’égalité – côté légitimité.

Belle manière de faire dévier, à nouveau, un débat pourtant facile à saisir: nous sommes actuellement aux prises avec un mouvement d’extrême droite, Québec. Que faire? Ma suggestion: sortir de ton mutisme, de ton apathie généralisée. Dénoncer, sur tous les toits médiatiques, leur discours et autres duperies. Utiliser à bon escient les médias sociaux. Casser, par tous les moyens, le processus de légitimation actuel. Bref, sortir de ta torpeur. Parce que dixit Rousseau : «Laisser commettre les crimes qu’on peut empêcher n’est pas seulement en être témoin, c’est en être complice.»

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