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Les petits «bullies»

Photo: iStock

Toujours été de ceux qui croyaient, et pas juste un brin, que les médias sociaux s’avéreraient la meilleure invention depuis l’eau chaude. Pour des motifs de démocratisation de l’information, notamment. Façon nec plus ultra de contourner l’hégémonie des médias traditionnels, de leurs tranchées et de leurs programmes respectifs. De découvrir de nouvelles voix, de nouvelles perspectives. De responsabiliser le citoyen par l’entremise d’un accès immédiat à une pluralité d’informations. Par le biais de dialogues peut-être didactiques, mais de ce fait porteurs et constructifs.

La boulette. Me suis trompé. Et solidement. Parce qu’au-delà des nouvelles voix découvertes, le reste de mes «prédictions», voire souhaits, se sont avérées de purs désastres.

D’abord, ces mêmes réseaux sociaux ont pratiquement pulvérisé le média traditionnel, emportant avec lui le sérieux et la rigueur journalistique afférents, et remplaçant ceux-ci par la frivolité, la «peopolisation» et, surtout, la bombe atomique de nos socles démocratiques: les fausses nouvelles.

Ces dernières, dont la recette est maîtrisée à merveille par tout populiste, s’avèrent à mon sens un des pires fléaux contemporains. Pourquoi? Parce qu’au-delà de la malhonnêteté les inspirant, on parle ici de l’outil par excellence afin de faire dévier le débat public vers des enjeux superflus ou d’une délicatesse hors norme, le racisme et la bigoterie au premier rang. Se construire, comme l’anticipait Schmitt, un ennemi à son propre profit politique. Pensons Trump.

Autre erreur majeure, voire fondamentale: penser, stupidement, que les échanges par l’intermédiaire des réseaux sociaux allaient inclure l’ensemble de la population et, par définition, embarquer celle-ci dans le train du débat public. Je ne pouvais avoir plus faux. Au grand contraire, les Facebook, Twitter et tutti quanti ont su créer, du fait de ce qui est dénoncé précédemment, un lourd sentiment de laissés pour compte, «d’élites» se fichant du «peuple», cela entraînant la fracture sociale, sans cesse grandissante, qu’on connaît aujourd’hui. Pensons gilets jaunes. Résultat? Ledit sentiment, sans cesse galvanisé par ces mêmes réseaux sociaux, ne fait qu’alimenter le discours populiste, au point d’élire, ironiquement démocratiquement, des fachos assumés au pouvoir. Pensons Bolsonaro.

Enfin, avoir pensé, toujours de manière imbécile, que les nouveaux médias provoqueraient, du fait d’une parole donnée à tous, des échanges porteurs et respectueux. Hilalala. Faudrait, et plusieurs seront de cet avis, me retirer l’ensemble de mes diplômes. Quelle idiotie, quand on y pense deux secondes.

Parce que jamais il n’a été si facile de diffamer autrui, de le menacer, de l’insulter, de détruire sa réputation, de foutre sa vie en l’air, quoi. Le tout derrière un clavier anonyme.

La plus récente illustration de cela est, et on parle ici d’un euphémisme, patente: Maxime Comtois, capitaine d’Équipe Canada junior, ayant raté un tir de barrage lors du match névralgique, s’est vu balancer sous l’autobus par plusieurs centaines de courageux internautes, ces derniers l’attaquant en privé, et publiquement, tous azimuts. Des menaces de voies de fait et des invitations au suicide. Charmant. Tout ça pour une simple joute sportive, si importante soit-elle. Bienvenue en 2019, Maxime.

Un souhait pour cette année qui s’entame? Un brin de bienveillance, de respect, malgré les désaccords ou les déceptions intrinsèques de la vie sociétale. Que s’élèvent les échanges de la sphère publique et qu’éclatent, enfin, les spirales incessantes de l’autodestruction démocratique.

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