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À toi, tendre coquette

Mes hommages. J’ignore comment les astres, le vent et la fumée qui s’échappe d’une petite liasse de sauge arrivent à s’aligner pour faire en sorte que les portes du wagon de métro où tu te trouves s’ouvrent TOUJOURS devant moi, mais tu réussis. Comment diable fais-tu? Que je me poste, impétueuse, à l’extrémité est, ouest ou au trois quart aléatoire du quai n’y change rien; si tu as décidé de t’offrir ce petit moment spa que tu peines apparemment à insérer dans ton horaire, les cieux ont décidé que chaque fois, tu le partagerais avec moi (et tous ces passagers ébahis par tant de félicité, pis de hasard). La vie est parfois formidablement faite.

C’est qu’il est de ces matins où la vie nous rattrape, hein. Le réveil en sursaut, les rosettes, le café renversé sur ta blouse, la course contre la montre pour attraper ce bus qui te passera au visage et qui te contraindra à courir à t’en assécher la gencive jusqu’au métro où tu projettes terminer ta menue besogne.

Laquelle? Ces ongles, Suzette. Ces ongles négligés que tu te dois de tailler en élégantes hyperboles avec juste ce qu’il faut d’audace et de surprise dans les pointes, et qui confèrent à ta main cette signature si distinguée. Chaque fois que, d’une aisance que j’envie presque, tu sors ton petit coupe-ongle pour les tâches «on the go» en pleine heure de pointe, tu me fascines. Parce que ce coupe-ongle que tu empoignes avec l’assurance d’une reine dans ta petite besace de velours n’est certes pas celui qui trône sous un dôme de plexi dans cette pièce tamisée qui te sert de temple de beauté, à la maison.

Non. Ce coupe-ongle est tout spécifiquement prévu pour tes menus déplacements. Pour ces moments où la manucure ne peut attendre. On les connaît tous, ces moments. QUI peut affronter le péril des jours sans que l’estéthisme de ses extrémités ne soit au cœur du succès de toute chose?

ET TOUS CES CLIQUETIS. À chaque son, chaque «clic» qui annonce qu’une autre rognure d’ongle ciselée avec art s’envole de ta main vers l’infini (et réside là toute la beauté de la chose : on ignore où ces petites bontés atterrissent, ajoutant au spectacle cette touche de mystère qui nous garde en vie), mon cœur s’emballe. «Clic»! C’est qu’elle sera jolie, cette main. Elle nous rapproche dans cette intimité gratis que tu m’offres comme un cocktail de crevettes, le fruit de mer cédant place aux peaux mortes de ton enthousiasme mesuré.

Et «clic!», UN AUTRE BOUT S’ENVOLE. Oh celui-là, tu m’as vue le voir. Tu m’as vue en suivre la fougueuse trajectoire jusqu’à ce qu’il se pose, telle une tourterelle, sur ma cuisse qui n’attendait que sa venue.

Je t’ai regardée. Tu m’as regardée te regarder. Et tu as poursuivi ta chapelle Sixtine. Quelle chance, tu as, de te tamponner le coquillard de ce que peuvent bien penser ceuzécelles qui, pour une raison qui m’échappe, te tolèrent en leurs transports.

Je te salue, pleine de grâce. La bise!

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