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Marche ou crève, Suzie

Autumn walk in forest Photo: Getty Images/iStockphoto

Révérence et menuet! Quel bonheur que cette odeur de feuilles mortes et de fébrilité de ne pas savoir s’il est sain de porter son Canada Goose malgré l’absence de neige et le redoux. Je chéris l’automne et ses promesses de mijotés dégustés dans une courtepointe à la lueur d’un chandelier à 16 branches. Et comme j’aime vous en compter ici chacune des fleurettes, je prends beaucoup, BEAUCOUP de marches dans le grand parc tout près de chez moi. Le soir venu, déserté par les festivaliers qui ont rangé culottes courtes et installations complexes de guirlandes de papier crêpe façon «chapiteau celte impromptu», le parc en automne est formidablement accueillant de silence et de sainte paix.

Je me surprends d’ailleurs toujours à être à peu près la seule à profiter du beau grand carré de nature lousse par soirs d’octobre. Bon; je vous confierai que, sans caniche nain à délivrer de ses cigares, pas plus fine qu’une autre, j’en prendrais pas, de belles grandes marches au clair de lune de fièrepet.

Un soir, je suis donc allée faire craquer les feuilles sous mes talons flamenco avec mon chien, en tâchant de capturer en mes narines érectiles un max d’effluves de verdure avant le grand grésil de cinq mois. Et comme la brunante assomme de plus en plus tôt, j’ai constaté rapidement que, ciboulaille, il fait bien noir, des longs bouttes, dans le parc. Comme chez le yâbe. C’est fou, ce qu’il peut faire noir quand il n’y a personne. J’ai soudain regretté de m’être enfoncée dans les petits sentiers du centre sans réfléchir, désormais forcée de m’activer les jarrets si je ne voulais pas faire un petit pipi dans mes bobettes spalding.

Je m’en voulais de ne pas avoir suivi le petit chemin plus éclairé de pourtour du parc, là, vous savez, celui qu’on recommande chaudement aux dames responsables de leur sécurité si elles ne veulent pas périr à la pointe d’un couteau. Plus j’avançais, plus j’étais, à ma grande colère, tétanisée. Une frayeur exponentielle. Le moindre bruissement, le moindre écureuil qui battait des paupières semblait me prévenir de ma mort imminente. D’un assaut libidineux ou d’un rapt. Je me trouvai tant sotte que parcourue de cette furie que les hommes ne ressentent que rarement quand ils marchent seuls.
Cette peur de mourir. DE MOURIR. Cette tendre amie qui nous traverse les veines sur le régulier, si souvent qu’on s’en accoutume presque. Le petit set de clés disposé en «gant de Freddy Krueger» dans le poing. Main sur le téléphone. Le coude prêt à donner des coups oùsse qu’il pourra.
Puis soudain, ma grand’ peur a disparu quand j’ai atteint un coin inondé de lumière. Un éclairage olympien. C’était le coin du «gym à ciel ouvert», ce lieu où des sieurs musclés font des squats en torse devant les terrains de pétanque.

À sa barre métallique, un homme exécutait une série de chin ups, serein et puissamment éclairé. La seule damnée lumière du parc lui était entièrement dédiée, comme un hommage.

Je n’en ai tiré AUCUNE conclusion et suis rentrée à la trotte chez moi en tâchant de passer par le trottoir.

La bise.

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