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Les idées grises

Photo: Métro

Révérence et menuet à vous! Premier vendredi post-heure-reculée; première semaine de novembre derrière le col roulé, aussi. Hormis les quelques enthousiastes déjà coiffés de guirlandes lumineuses qui emploient leur heure de dîner à façonner des faciès de rois mages dans la mousse de leur latté-piroulines, la tendance de novembre veut, hélas, que les caquets baissent en altitude.

Malgré le bonheur relatif, les assises, l’amour, la quiétude, l’entourage, les pattes d’ours ou la simple douceur d’une grand’ couverte en mohair, nul n’est à l’abri des petits et grands bleus dont le cœur s’affuble parfois sans qu’on ne l’ait vu venir. Et c’est bien ça, le souci. On ne les voit pas venir. Parce que les idées noires n’arrivent pas comme ça, pan! sans crier gare en plein récital de ballet de ta petite nièce Guertie. D’abord pâlottes, puis grises, tout anodines, elles s’accrochent au banal. Souvent isolées, jamais si terrifiantes. Puis elles se regroupent, se saturent et forment un clan noirci, un petit gang au blouson de satin patché au dos de la réconfortante notice : «On te lâchera pas de sitôt, ma belle fille.»

On ne décide pas de se pendre un beau matin en mangeant ses toasts. Mais parfois, pour toutes sortes de raisons, d’écueils, de chienne de vie et de circonstances de Mickey Mouse, l’idée se faufile, tout doucement. Petit bonhomme de chemin faisant, d’abord en rassurante blague : «Ben voyons, je ferais jamais ça!» Puis en réconfortante pensée. Jusqu’au matin où la rôtie ne passe plus et que l’ombre plante ses piquets.

Il est de ces gens, des gens qu’on côtoie quotidiennement, des collègues, des camarades, une sœur ou ce garçon assis en indien sur le trottoir en attendant la fin de l’hiver, dont on ne soupçonne pas les vertiges. Des gens qui se forcent le sourire et la parure pour ne pas éveiller les doutes. Pour ne pas déranger.

Ce que j’essaie de tisser en votre bulbe en n’ayant pas quatre chemins par où passer en ces quelques mots qui me sont alloués, c’est une petite broderie de vigilance. Juste là, sur votre plexus. Une broderie dont je prends soin de me parer, aussi, tout de suite, maintenant. Parce qu’en ce mois où la lumière se raréfie, en cette période des Fêtes qui nous somme d’être heureux comme des robots aux bras chargés de sacs Sears, guillerets et jolly à s’en éclater la rondelle, certaines perches ne se tendront pas. Des perches toutes simples. Un regard. Un mot. Une bienveillance supplémentaire même si le petit effort n’est pas nature ou une lasagne surprise au détour d’un «comment tu vas, donc?» Des perches qui sauvent de la mer.

Il est de ces gens, des gens qu’on côtoie quotidiennement, des collègues, des camarades, une sœur ou ce garçon assis en indien sur le trottoir en attendant la fin de l’hiver, dont on ne soupçonne pas les vertiges. Des gens qui se forcent le sourire et la parure pour ne pas éveiller les doutes. Pour ne pas déranger. Pour ne surtout pas blesser ou risquer d’alourdir les épaules d’autrui avec des idées gris foncé.

Je profite de cet espace pour nous rappeler, tous, de garder l’œil ouvert. Malgré la fatigue. Malgré les grands stress de l’abri tempo, du potluck et de la dictée moyenne du p’tit. Au moment de lire ces lignes, vous êtes peut-être tout près de quelqu’un qui a besoin d’un bon café. Souriez-lui. Prenons soin.

La bise.

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