Une bête politique blessée

Donald Trump. Arnulfo Franco / The Associated Press Photo: Arnulfo Franco

Chacun de ses dérapages verbaux provoque des tsunamis d’indignation. Même le Parti républicain commence à s’inquiéter. Gordon Humphrey, lui, est dégoûté. Cela fait des mois que ce sénateur à la retraite du New Hampshire mène la charge contre l’imprévisible milliardaire. En vain? Peut-être pas…

«Trump doit être limogé en vertu de l’article 9 du RNC [Comité national républicain]», explique Humphrey, 76 ans, dans une entrevue téléphonique.

Que dit cet article? «Le Comité national républicain est autorisé et habilité à remplir toute vacance qui adviendrait en cas de décès, de démission ou autre du candidat républicain à la présidentielle ou de son colistier candidat à la vice-présidence des États-Unis.»

Humphrey insiste sur le mot «autre». Pour lui, Trump est un sociopathe. «Il souffre d’un trouble de la personnalité. Cela le rend dangereux pour notre sécurité nationale.»

Est-il carrément fou? «De plus en plus de républicains comme moi – je voterai pour Hillary Clinton s’il n’est pas remplacé – estiment qu’il est mentalement déséquilibré.» Alors? Les gros canons du Grand Old Party commencent à tirer à boulets rouges sur Trump et, soutient l’ex-sénateur (1979-1990), il «faut vite lui trouver un remplaçant». Oui, mais qui?

«Peu importe, on ne peut avoir un commandant en chef posant le doigt sur le bouton nucléaire et risquant l’incinération de nos familles», conclut Gordon Humphrey. À la convention républicaine du mois dernier, à Cleveland, il avait en vain cherché à déposer une pétition contre la nomination de Trump.

Reléguer le magnat de l’immobilier au rayon des accessoires risque fort de déplaire à ses adeptes. Sans eux, Trump, qui assure avoir un «très bon cerveau», ne serait pas dans la course à la Maison-Blanche. Il est en symbiose avec les électeurs en décalage avec la vie politique de tous les jours ou perdus dans la mondialisation des échanges économiques.

Avec ses déclarations tonitruantes, il sait faire vibrer leurs émotions et leurs stéréotypes. Ils se sentent marginalisés, et Trump leur offre des vérités simples pour expliquer la complexification du monde.

Ils ne se formalisent pas de ses grossiers mensonges, car il exprime haut et fort la colère d’une Amérique ordinaire, trop longtemps ignorée. Si la spontanéité de ses impulsions inquiète des républicains comme Gordon Humphrey, eux n’en ont cure. 

Cela relèverait de la suffisance intellectuelle que de qualifier les «trumpistes» d’«esprits perdus». Il faudrait plutôt évoquer le concept d’«ignorance rationnelle» ou la théorie du moindre effort. L’électeur fait le service minimum pour mieux comprendre les complexités politiques.

Le monde selon Trump n’inquiète guère les 14 millions d’Américains ayant voté pour lui lors des primaires. Il lui en faudrait au moins quatre fois plus pour faire son entrée à la Maison Blanche et, dans les sondages, c’est la descente, aux enfers.

Le facétieux milliardaire est aujourd’hui une bête politique blessée. Mais il n’est pas encore dans la boue, au fond du fossé.

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