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«Printemps libyen» pour les femmes violées

Photo: John Moore/Getty

Elles sont montées aux barricades dans tous les printemps arabes. De la Tunisie à l’Égypte, du Yémen au Bahreïn, de la Syrie à la Libye. Dans ce dernier pays, elles viennent de remporter une victoire: les femmes violées sont désormais reconnues comme victimes de guerre.

En vertu du décret adopté mercredi le 19 février, et qui couvre les 42 ans de règne de Mouammar Kadhafi, celles qui étaient contraintes de rejoindre les nombreux harems du défunt dictateur, de ses fils et de leurs proches recevront un soutien médical (traitement du VIH), économique (une pension mensuelle), social et juridique.

Idem pour celles qui ont subi des exactions sexuelles pendant les huit premiers mois de la révolution de 2011. Kadhafi, dit-on, fournissait son armée en Viagra pour commettre des viols.

Afin d’éviter tout déshonneur, certaines familles avaient  choisi de tuer leurs filles avant qu’elles ne se retrouvent dans les bras de la soldatesque du «guide».

Grâce au décret du mois dernier, passé sous les radars médiatiques, des milliers de femmes agressées sexuellement recevront également des bourses pour étudier en Libye ou à l’étranger.

On est loin des premiers mois de l’après-Kadhafi  où les «révolutionnaires» flirtaient avec l’idée de rétablir la polygamie et d’instaurer la charia (loi islamique). Pour les femmes, le «printemps libyen» a failli se changer en automne.

Le décret libyen s’inspire de celui voté en Algérie le 1er février indemnisant les femmes victimes de «terrorisme sexuel» durant la «décennie noire» des années 1990.

Mais à la différence de son voisin, la Libye est un  pays ruiné, loin d’être en paix, où – fait rare! – les femmes sont moins nombreuses que les hommes et ne représentent que 17% au Parlement. Le décret sera-t-il respecté?

Quoi qu’il en soit, le signal est donné et il aura des échos dans tous les pays où les agressions sexuelles en période de conflit sont encore vues comme une part légitime du «butin de guerre». Il aura fallu attendre 1992 pour que l’ONU reconnaisse que les viols constituaient un crime international qu’on ne pouvait plus ignorer.

Cela n’a pas empêché deux ans plus tard, 250 000 femmes d’être violées au Rwanda pendant les trois mois de génocide qui ont fait 800 000 morts. Toujours est-il que le recours au viol comme arme de guerre fera l’objet d’un sommet international en juin à Londres, co-présidé par Angelina Jolie. L’actrice américaine, connue pour son implication dans les causes humanitaires, avait écrit, produit et réalisé Au pays du sang et du miel qui raconte la guerre en Bosnie (1992-1995) au cours de laquelle 20 000 femmes musulmanes ont été violées.

Dans bon nombre de sociétés conservatrices, les viols sont jugés tout au plus comme des «harcèlements sexuels».

Faudra-t-il des guerres pour changer les mentalités?

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