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La Corée du Nord, trou noir médiatique

Photo: Associated Press

La nouvelle était tirée par les cheveux, mais elle venait de la BBC: Kim Jong-un imposerait aux étudiants nord-coréens son style capillaire. Loin d’être passée au peigne fin, l’information a vite fait le tour du monde.

La vénérable, prestigieuse et sérieuse British Broadcasting Corporation (surnommée la Beeb), avait repris la nouvelle du Korea Times de Séoul, qui l’avait sortie de Radio Free Asia, station financée en grande partie par Washington.

Les journalistes occidentaux ne courent pas les rues dans le pays ermite, et les rares touristes à Pyongyang n’ont aucunement vu des étudiants les cheveux bien rasés au-dessus des oreilles.

Le style du «cher leader» évoque, paraît-il, celui des contrebandiers chinois. L’information farfelue de la BBC, diffusée au début du mois, a vite été reléguée au rang de rumeur. Il suffit qu’un média «sérieux» sorte une parcelle d’«information» sur le pays le plus fermé du monde pour que tous les autres la sèment à tous les vents, sans aucune vérification possible.

Au début de l’année, par exemple, plusieurs médias avaient annoncé ceci: exécuté pour trahison et corruption, Jang Song Thaek, le vieil oncle de Kim Jong-un, avait ensuite été jeté en pâture, nu, à 120 chiens affamés. C’était une «ordure», aurait dit son jeune neveu. Vrai ou faux? Personne ne le saura jamais.

L’opacité est le maître mot de la Corée du Nord, où il aura fallu attendre 48 heures pour que les médias de Pyongyang annoncent le décès, le 17 décembre 2011, de Kim Jong-il, père de l’actuel dictateur, troisième de la dynastie familiale régnant sur le pays depuis 1948.

L’an dernier, une cascade de rumeurs fit le tour de la planète. Kim Jong-un, la trentaine (son âge exact n’est pas connu), aurait fait exécuter son ex-petite amie pour avoir tourné des vidéos pornographiques, lui qui aurait un harem et se plaindrait du manque de vierges.

Même la disparition du vol MH370 a vite été attribuée à la Corée du Nord: le Boeing 777 aurait atterri à Pyongyang au lieu de Beijing. L’an dernier, Hollywood sortait La chute de la Maison-Blanche, un thriller de série B avec Morgan Freeman, dans lequel Kang, un terroriste nord-coréen, s’empare de la résidence présidentielle pour faire exploser l’arsenal nucléaire américain.

Tout cela ferait sourire si la Corée du Nord n’avait pas procédé à son premier essai nucléaire le 9 octobre 2006 (ce n’est pas une rumeur!), ne multipliait pas les déclarations belliqueuses et les provocations armées à l’égard de la Corée du Sud qui, il y a quatre ans, avait perdu 46 marins lors d’une attaque par un sous-marin de son «frère ennemi».

Difficile de décrypter la Corée du Nord. Dans le feuilleton médiatique quotidien, ce pays de 25 millions d’âmes est un trou noir. Les fantasmes et les explications sur les faits et gestes de Kim Jong-un se font toujours en s’arrachant les cheveux.

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