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Lampedusa, naufrage de l’Europe

Morgue à ciel ouvert pour des milliers de migrants africains, Lampedusa fait, à chaque naufrage, couler des larmes de crocodile à Bruxelles, capitale de l’Union européenne.

Les 6000 habitants de l’îlot italien de 20km2, plus proche de l’Afrique que de l’Europe, n’en peuvent plus d’accueillir tous les ans au moins 30 000 «boat people». Les insulaires réclament de l’aide à Rome qui, à son tour, lance des S.O.S. aux autres capitales du Vieux Continent.

Les 27 centres d’accueil de Lampedusa débordent. L’Italie débourse plus de deux millions de dollars par jour pour nourrir, vêtir et soigner les désespérés débarquant sur les côtes du caillou sicilien.

Les candidats à l’asile dans l’Union européenne n’ont le droit de déposer de demande que dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’UE. Résultat: l’Italie est depuis des années confrontée à un tsunami de clandestins qui ne peuvent remonter vers le Nord. Régulièrement, elle menace de les laisser entrer chez ses partenaires européens s’ils ne partagent pas financièrement le «fardeau» de les héberger.

Le ministre italien de l’Intérieur, Angelino Alfano, l’a encore rappelé vendredi: «La mer devant l’île de Lampedusa est une frontière non pas italienne mais européenne.» Selon lui, pas moins d’un demi-million de personnes seraient en attente pour traverser la Méditerranée et débarquer en Europe, en transitant par les côtes italiennes.

Malgré ses cris d’alarme, le ministre ne s’attend à aucun secours. Lui et tous ses homologues méditerranéens sont un peu comme des naufragés, priant pour une aide quelconque, comme le droit de la mer l’exige. Mais le bon vieux principe du chacun pour soi prévaut. Les 28 membres de l’UE n’ont aucune politique migratoire commune. Les pays du Nord, qui ont réussi à verrouiller leurs frontières terrestres, refusent toute solidarité avec les «passoires» que sont l’Italie, l’Espagne, la Grèce, Chypre et Malte, submergés par les rafiots de clandestins.

Certes, avec une armada d’avions, d’hélicoptères et de drones, l’UE fait «ce qu’elle peut» pour les «protéger» des «indésirables» chassés de leur pays par la misère et les tumultes politiques. Pas question cependant d’accueillir ces derniers. Il ne faut surtout pas donner des munitions aux partis xénophobes qui misent sur «l’invasion des étrangers» pour gagner des voix. D’autant que les élections européennes ont lieu en juin.

Alors? Les flots de condoléances se poursuivent à chaque naufrage. Vingt-cinq mille migrants auraient ainsi trouvé la mort en Méditerranée depuis 1993, dont six mille au large de Lampedusa. L’UE, avec ses égoïsmes nationaux, se trompe si elle croit que ce lourd bilan permettra d’endiguer les flux migratoires de peuples affamés, opprimés et prêts à tout pour rejoindre ses riches rives.

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