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La calamité silencieuse

Photo: Getty Images/Fuse

Pas de vaccin, pas de traitement contre les fortes fièvres, les diarrhées, les éruptions cutanées, les vomissements et les hémorragies. Le virus Ebola tue. Sans merci. Sheik Oumar Khan vient d’être infecté.

Le virologue de 39 ans dirigeait le combat en Sierra Leone, petit pays d’Afrique de l’Ouest, contre la maladie mortelle à 90% et sans doute une des plus dangereuses au monde. Elle peut tuer en trois, quatre jours, contrairement au VIH qui met des mois, voire des années à se déclarer.

C’est un peu à cause de l’hospitalisation de Khan que le virus aux cinq lettres fatidiques s’est taillé une petite place dans l’actualité internationale dominée ces jours-ci par le brûlot de Gaza.

La maladie, qui tire son nom d’une rivière de la République démocratique du Congo et se transmet à partir de contacts avec des animaux sauvages infectés, n’est guère plus médiatisée que la malaria. Cette dernière fait plus d’un million de victimes par année en Afrique. Si le 25 avril n’était pas la journée mondiale du paludisme, personne n’en parlerait. Pourtant, la plupart des morts sont des enfants de moins de cinq ans.

La fièvre Ebola, heureusement, n’a jamais fait un nombre élevé de victimes depuis sa première apparition en 1976. Maladie «hors de contrôle» (Médecins sans frontières), «des plus effrayantes» (Organisation mondiale de la santé), elle a tué plus de 600 Africains depuis son apparition en mars dernier. Une goutte d’eau dans l’océan des catastrophes médiatisées.

Parce qu’elle n’est pas assez «sensationnelle», elle se «vend» mal dans une médiasphère constamment à la recherche d’un maximum d’audience. D’autant que les fièvres hémorragiques, contrairement aux maladies virales, ne font pas facilement le tour de la planète. Il n’y a aucun risque de pandémie. De catastrophe sanitaire mondiale. Qui plus est, cela se passe en Afrique, considérée en Occident comme le continent de tous les malheurs.

Hors de contrôle, la fièvre hémorragique foudroyante ne frappe plus seulement la Sierra Leone, la Guinée et le Liberia. Elle vient de cogner aux portes du Nigeria. Le plus peuplé des pays africains a rapporté son premier mort la semaine dernière.

N’étant pas un tueur prolifique, le virus Ebola restera sans grand écho dans l’actualité. Sans «effet CNN», sans la puissance émotionnelle des grands médias et du cyber-espace, pas de mobilisation internationale, d’élan humanitaire. Et pourtant…

La Croix-Rouge rappelait déjà ceci en 2005: l’information «est aussi nécessaire que l’eau, la nourriture, les abris et les médicaments pour sauver des vies en cas de catastrophe».

Le virus Ebola est condamné à rester une calamité silencieuse.

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