Cuba, supermarché américain?

Le dégel des relations américano-cubaines est lent, mais irréversible depuis que Barack Obama et Raúl Castro ont annoncé le 17 décembre leur intention de mettre fin à la guerre froide entre leurs deux pays.

En se serrant la main ce week-end au septième Sommet des Amériques à Panama, les présidents américain et cubain ont marqué les esprits.

Il leur faudra à présent déchirer la page des relations antagonistes vieilles de plus d’un demi-siècle entre Washington et La Havane.

Le premier geste américain consiste à retirer Cuba de la liste des pays «soutenant le terrorisme international», où il côtoie depuis 1982 l’Iran et la Syrie, notamment.

Comment, en effet, avoir des relations diplomatiques normales em laissant Cuba sur cette liste noire?

Il faudra ensuite mettre fin à l’embargo économique et financier instaurée en 1962, dont l’objectif était de précipiter la chute du régime «communiste» de Fidel Castro.

Dans les deux cas, le dernier mot revient au Congrès, dominé par les républicains qui désapprouvent tout ce qu’entreprend Obama. John Boehner, le président de la Chambre des représentants, a le mérite d’être clair. Le dégel avec Cuba est «une longue série de concessions irréfléchies à une dictature qui brutalise son peuple et complote avec nos ennemis». Il faudra donc parler démocratie et droits de l’homme avant de sceller le rapprochement avec Cuba.

Pure rhétorique? En grande partie. Les adversaires d’Obama ont besoin du vote latino, fermement opposé à l’embargo, pour reprendre la Maison Blanche en 2016. De plus, l’argent finit toujours par faire entendre sa voix, et les républicains n’oublient pas que Cuba, avec ses 11 millions d’habitants pourrait être inondé de produits américains.

La plus grande île des Caraïbes deviendra-t-elle alors un immense supermarché made in USA? «C’est là un vrai risque pour Cuba en raison de sa proximité géographique, de ses relations personnelles [avec la diaspora] et des liens économiques possibles avec les États-Unis», affirme Christopher Sabatini, spécialiste des relations américano-cubaines rattaché à l’université new-yorkaise de Columbia, dans un échange de courriels.

Les industriels américains se frottent les mains. Font tourner rapidement leur cigare entre leurs doigts. La ruée vers l’or est peut-être pour demain. Déjà, Netflix a annoncé le lancement de sa plateforme à La Havane, même si moins de 30 % des Cubains ont accès à l’internet.

Cuba a besoin d’au moins 2 G$ d’investissements étrangers par année pour décoller économiquement.

Pas question cependant «d’acheter Cuba», répète Raúl Castro depuis son arrivée au pouvoir il y a sept ans.

Il y a fort à parier que sans vraiment succomber au culte de l’argent, La Havane va monnayer sa modernisation économique. Un peu comme le fit la Chine communiste il y a une trentaine d’années.

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