Rumeur, tumeur et tsunamis de nouvelles

Qui dit vrai? À chaque rumeur, il y a un démenti. Pour rédiger celui du Vatican, Federico Lombardi, son porte-parole, a bondi de son lit aux petites heures du matin : non, le pape ne souffre d’aucune tumeur au cerveau.

Pendant longtemps, les souverains pontifes – à l’instar des hommes politiques – décédaient, certes, mais tombaient rarement malades. Ainsi, quand des médecins furent conduits au chevet de Jean XXIII agonisant, le service de communications du plus petit État du monde soutint qu’il leur accordait une audience.

Cinquante ans plus tard, lorsqu’en 2013 un journal italien annonça la démission imminente de Benoît XVI, le Saint-Siège récusa aussitôt.

Alors si son successeur ne souffre pas d’une tumeur bénigne au cerveau comme le rapportait la semaine dernière le Quotidiano Nazionale, faut-il croire à un «complot» destiné à le décrédibiliser? Le Vatican a laissé plané ce soupçon tout au long du synode sur la famille qui a pris fin samedi et au cours duquel les critiques du pape à l’égard des «ultras» ont à peine été voilées.

Ce «complot», ourdi par les conservateurs, visait-il à déstabiliser le Saint-Père (François n’aime pas être appelé ainsi) pendant les trois semaines du synode qui portait notamment sur la question des divorcés-remariés et sur le statut des homosexuels dans l’Église?

Le pape est peut-être en pleine forme, mais à 78 ans il ne manque pas une occasion de rappeler qu’il n’a plus beaucoup d’années devant lui. Il faut «porter avec joie la croix de la souffrance», dit-il aux malades, «encore deux ou trois ans, et à la Maison du Père» lance-t-il aux journalistes : ces petites phrases suffisent à la machine médiatique pour s’emballer et reprendre toutes les rumeurs circulant dans les arcanes du Vatican.

Elles ont beau retomber comme un soufflé, elles sont vite suivies d’autres «récits troués». Car c’est la force des rumeurs : elles laissent libre cours aux commérages et fantasmes de toutes sortes, et ne durent pas longtemps.

Parfois, pour y mettre rapidement fin, on les ridiculise. Ainsi, à un journaliste qui lui avait demandé s’il souffrait vraiment d’un cancer, l’ancien président français François Mitterrand avait répondu avec un sourire : «Oui, il m’arrive d’éternuer!»
Aujourd’hui, le «plus vieux média du monde» a trouvé sa niche dans le cyberespace. Formidable accélérateur de la rumeur, la Toile rend viraux le faux, la mystification et le trucage. Internet est le média rêvé de la rumeur. «Toute personne qui a une théorie possède maintenant un mégaphone», titrait déjà le USA Today, le 18 septembre 1996.

De temps en temps, les médias dits «traditionnels» succombent aussi à l’«information non confirmée». Leur barrière déontologique se fissure alors, au nom de la rentabilité à tout prix et de la chasse à l’attention d’un public assailli par des tsunamis de nouvelles.

Le Quotidiano Nazionale fait-il partie du lot? Il affirme que non, bien sûr. Le père Lombardi a publié trois démentis sur la «tumeur» médiatisée toute la semaine dernière.

Au Vatican, la rumeur n’est pas en odeur de sainteté.

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