Profession, «ministre du Bonheur»

This undated image released by the Emirates News Agency, WAM, shows Ohood Al Roumi, the Minister of State for Happiness of the United Arab Emirates. Sheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum, the seven-state federation's vice president and prime minister in addition to the hereditary ruler of Dubai, announced his new Cabinet in a series of Twitter posts Wednesday, Feb. 10, 2016. He named Al Roumi as its first minister of state for happiness and appointed a 22-year-old to a ministerial post overseeing youth affairs in a Cabinet shake-up designed to inject fresh thinking into the oil-rich country's government. (WAM via AP) Photo: The Associated Press

Qu’à cela ne tienne! Si le petit et pauvre Bhoutan se vante d’avoir son «Bonheur national brut» (BNP), les riches Émirats arabes unis (ÉAU) bombent le torse depuis une semaine avec leur ministère du Bonheur.

Ouhoud al-Roumi a la lourde tâche de répandre la félicité, l’euphorie, la joie, l’allégresse, la béatitude, la gaieté, sans oublier l’ataraxie, cette quiétude absolue qui propulserait n’importe qui au septième ciel.

Pour l’heure, les habitants des sept émirats n’ont pas le cœur à la fête : les prix de l’or noir, dont ils dépendent tant, ne cessent de piquer du nez. Mais, c’est bien connu, l’argent ne fait pas le bonheur.

Alors comment Ouhoud al-Roumi va-t-elle s’y prendre pour semer à tout vent la bonne fortune, la volupté et l’extase? S’occupera-t-elle uniquement des deux millions d’Émiratis en négligeant les sept millions de travailleurs étrangers qui triment dur pour satisfaire les besoins de citoyens riches comme Crésus?

En poste depuis le 10 février, elle a promis de travailler d’arrache-pied, avec l’aide de Dieu, pour «assurer le bien-être social et la satisfaction» de tous.

Cela inclut-il de vivre en démocratie, avec notamment le respect des droits de l’Homme? Si le bonheur ne se décrète pas, ne s’administre pas et surtout ne s’organise pas sur le plan collectif, il a au moins besoin d’un ingrédient de base : la liberté. Et elle fait cruellement défaut aux Émirats, collés à l’Arabie saoudite.

Pour Nicholas McGeehan, de l’organisme Human Rights Watch, «le ministère du Bonheur sonne un peu orwellien et sinistre, étant donné que c’est un État policier.» (New York Times)

Ce n’est pas la première fois qu’un ministère du Bonheur se crée dans le monde. Le Venezuela et l’Équateur en ont chacun un. Il y a quatre ans, les Nations unies ont proclamé le 20 mars la Journée internationale du bonheur… en même temps que la journée mondiale du français.

«Le bonheur fait de plus en plus partie de l’agenda politique, surtout dans les nations riches», note dans un échange de courriels Ruut Veenhoven, professeur à l’université Erasmus de Rotterdam et auteur notamment du Bonheur des nations (1993).

S’il est difficile de quantifier le bonheur individuel, il peut être mesuré en faisant appel à la notion de qualité de vie, croit le chercheur néerlandais.

Ainsi, après le BNP du Bhoutan, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a créé en 2011 un nouvel indice pour mesurer la richesse d’un pays : le Bonheur intérieur brut (BIP). Le Canada figure souvent en tête du classement.

Peu importe les statistiques et les données pour mesurer le bonheur collectif, le vrai bien-être est individuel et «exige du talent» (Jean Cocteau), pas des Himalayas de statistiques et de données.

George Orwell avait pensé à tout dans son plus célèbre roman, 1984, même à des ministères de l’Amour, de la Paix et de l’Abondance. À tout sauf au portefeuille du Bonheur. Les princes des Émirats arabes unis viennent de corriger cette «erreur».

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