La City, une poule aux œufs d’or

Photo: Getty

Les îles Caïmans, les îles Vierges britanniques… la kyrielle de paradis fiscaux épinglés dans les Panama Papers fait depuis longtemps partie de la finance de l’ombre. Ils n’existeraient sans doute pas sans la première place financière du monde : la City de Londres.

Avec ses 500 banques et la moitié des assureurs de la planète répartis sur moins de trois kilomètres carrés, le quartier des affaires de la capitale britannique est un État dans l’État, indépendant de la ville de Londres et de Westminster, le Parlement. Il a son drapeau et sa police. C’est aussi, comme le soulignait déjà en 2000 le député travailliste Tony Benn, «une île offshore amarrée sur la Tamise».

Pour rester dans la métaphore, la City of London Corporation est surtout une hydre au milieu d’îles exotiques bercées par les flux et reflux de liquidités venues d’ailleurs.

Ces «paradis» sous les tropiques, souvent des anciennes colonies ou des territoires d’un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais, ont déroulé le tapis rouge aux filiales des banques de la City, et les montagnes d’argent qui y sont déposées sont gérées à partir de Londres.

Bien souvent, ces îles où se trouvent des filiales des grandes banques britanniques – la Barclay’s en aurait une centaine dans les îles Caïmans (44 000 habitants) – ne sont que des «boîtes aux lettres», des «sociétés-écrans» pour échapper à l’impôt
d’un pays.

Les montages financiers se font à la City. Dans l’opacité certes, mais en toute légalité. Pour employer un euphémisme, ils ont pour but une «optimisation fiscale» loin de toutes contraintes juridiques. Les banquiers, fiscalistes et juristes de la City ont ainsi créé un réseau de juridictions offshore offrant à des «particuliers ou à des entités un cadre politiquement stable permettant de contourner les règles, les lois et les réglementations édictées dans les autres pays», note Nicholas Shaxson, de la Tax Justice Network, une organisation britannique luttant contre les paradis fiscaux qu’il préfère nommer «juridictions du secret».

«Dans les Panama Papers, nous n’avons vu qu’une fraction des 11,5 millions de fichiers [provenant des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca], et il est probable qu’ils ne mentionneront pas la City», précise-t-il dans un échange de courriels.

Difficile de pointer un doigt accusateur vers la City, tellement les pistes sont brouillées. Rares sont les médias britanniques, hormis The Guardian, qui font campagne contre cet acteur incontournable des paradis fiscaux. D’autant qu’une bonne partie des propriétaires de journaux londoniens sont domiciliés dans les zones offshore.

Politiquement aussi, pas question de s’attaquer à la City, considérée comme un bien national, peu importe les premiers ministres qui se succèdent au 10 Downing Street, leur résidence. Elle produit 10 % du Produit intérieur brut (PIB) britannique, et 20 % des transactions bancaires mondiales y sont effectuées.

On ne déplume pas une poule aux œufs d’or.

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