Grèves à la française

A man holds a flare at a demonstration of labor union members on strike against the French government and labor law reforms in Paris, Thursday, June 2, 2016. Workers are on strike at nearly all of France's nuclear plants and on the national rail service as part of months of protests over changes to labor protections. (AP Photo/Markus Schreiber) Photo: Markus Schreiber/The Associated Press

Ils sont toujours en grève et pourtant ils restent parmi les plus productifs de la planète! À l’évidence, le «paradoxe français» fascine l’étranger. Comment l’expliquer?

C’est bien connu, il y a une «France d’en haut» et une «France d’en bas», pour reprendre l’expression chère à l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin. La première «se fait des couilles en or», la deuxième «mange des nouilles encore», pour citer un slogan de la rue.

Le dialogue social entre les deux est toujours difficile, d’autant plus que l’Hexagone est tout sauf une société du consensus. La «guerre civile» est permanente. Entre la gauche et la droite, entre le patronat et les syndicats.

Bon an mal an, le Français fait grève 80 jours par année. Deux fois plus que la moyenne européenne.

«La France est une bombe à retardement au cœur de l’Europe!» titrait en 2012 The Economist, pour qui ce pays «est l’enfant malade» du continent.

L’an dernier, l’influent hebdomadaire britannique rappelait cependant ceci : «Les Français pourraient chômer le vendredi qu’ils produiraient encore plus que les Britanniques sur l’ensemble de la semaine.»

Le salarié français jouit davantage de protections sociales. Il est généralement mieux payé, bien formé et qualifié. Résultat : il produit au moins 20 % de plus qu’un Britannique pendant la même heure de travail.

Même si le taux de syndicalisation est faible (8 % contre près de 40 % au Québec), 93 % des salariés disposent d’une «convention collective». Pas besoin d’être syndiqué pour être protégé socialement, même si la
France compte sept grandes confédérations syndicales – plus qu’ailleurs en Europe.

Alors, pourquoi cette culture de la grève? Les rapports sociaux en France sont basés sur ce que les sociologues du travail appellent la «régulation conflictuelle». Résumé simplement, cela donne ceci : la négociation ne peut précéder le conflit, comme c’est souvent le cas en Europe du Nord.

Il faut «monter aux barricades» avant d’arriver à des compromis. Laisser pourrir de part et d’autre un conflit avant de négocier, comme ce sera sûrement le cas dans l’actuelle guerre d’usure entre le gouvernement et les syndicats au sujet de la loi sur la réforme du Code du travail, censée améliorer la compétitivité des entreprises et favoriser l’emploi. Pour l’historien français Stéphane Sirot, spécialiste de la sociologie des grèves, «[…] ce qui distingue la France, c’est surtout l’existence régulière de grands conflits nationaux qui s’explique notamment parce qu’en France, l’État fait le droit social. Dès lors, si une loi déplaît à des syndicats, dont certains sont encore dans la tradition lutte des classes de notre pays, cela peut donner lieu à des interpellations parfois spectaculaires de certaines initiatives gouvernementales. C’est le principe général. Au-delà, chaque mouvement a bien sûr ses spécificités.» (échange de courriels)

Peu importent les explications, la «rue» gronde encore cette semaine. À 48 heures du coup d’envoi de l’Euro 2016 au Stade de France, un carton rouge pend déjà au nez du pays hôte.

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.