Soutenez

La «graduation»

Hier, c’était la «graduation» de Johnny Trempe (cinq ans et quart; je sais, ma yeule) à la garderie. C’est un événement où les parents et amis étaient invités à venir partager un petit repas de fin de journée, à prendre des photos de leur progéniture avec des mortiers gossés à la main par les enfants eux-mêmes et à écouter les éducatrices dire quelques beaux mots personnalisés sur leurs rejetons. Les gens devaient apporter un plat à partager et, comme la garderie est située dans Saint-Laurent, c’est multiethnique en titi, ce qui a donné lieu à un buffet de type Casa Corfu, mais cuisiné par des gens qui savent faire à manger.

La table des desserts a été particulièrement appréciée, tu t’en doutes bien, le sucre disputant au crack le titre de la plus délicieuse des drogues dures. Les enfants tournaient autour des gâteaux multicolores, cupcakes, beignes, brownies, baklavas, baghrirs et autres menoums sucrés venant d’Haïti, d’Algérie, de Chine, d’Arménie ou de chez Tim Hortons. Comme des vautours autour d’une carcasse, ils attendaient le moment où on leur donnerait le droit de plonger en faisant force moues d’impatience, tapage de pied, face triste, face joyeuse avec un petit filet de bave coulant sur le menton, etc. Le signal a enfin été donné et, j’te jure, le contenu de cette table de desserts a disparu plus vite qu’un paquet de Gitanes dans un party de marxistes-léninistes.

Un peu plus tard, ç’a été le temps des discours. Au micro, les éducatrices ont parlé tour à tour des enfants sous les yeux mouillés des parents qui n’en revenaient pas de voir leur bébé rendu si grand. L’éducatrice de Johnny a célébré ses qualités, comme sa capacité «à créer et à résoudre les conflits» (that’s my boy) à «garder de la collation pour les amis qui dorment encore» (alias pusher de biscuits, petit malin) et «à toujours intégrer les autres dans ses jeux» (quand tu veux un auditoire, c’est la voie à suivre).

Puis l’éducatrice s’est penchée vers Johnny et lui a demandé:

– Et toi, Johnny, qu’est-ce que tu as aimé le plus pendant tes cinq années passées ici?

Le principal intéressé a replacé une mèche blonde qui lui tombait sur le visage, a réfléchi quelques secondes et, très fort dans le micro, a dit cette phrase assez magnifique qui résumait bien la profondeur de son expérience dans cet établissement d’éducation et l’importance à ses yeux de toutes les belles amitiés liées ici:

– Ce que j’ai aimé le plus? Les beignes à la noix de coco sur la table, là-bas.
– …

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.