Soutenez

La Méthode Tranquille

Quand j’étais au cégep, vers 1995, j’ai pris un cours de mathématiques 105, Vecteurs et matrices. Le jour du premier cours, je me présente en classe, telle une petite fille modèle (mais en beaucoup plus poilu), et je m’assois dans une classe bondée au quatrième pupitre de la quatrième rangée. Entre alors le professeur, un homme assez grand, à lunettes épaisses, avec les cheveux gris jaune de quelqu’un dont la passion pour la nicotine ne fait aucun doute. Il a un énorme cellulaire (je te l’ai dit : 1995) à la ceinture et porte un polo rentré dans son jean et des souliers de tennis.

Il a ainsi commencé:
– Mon nom est Robert Tranquille, R-O-B-E-R-T T-R-A-N-Q-U-I-L-L-E, Robert Tranquille. Mon numéro de cellulaire est le 999-9999 et vous pouvez m’appeler de 7 h am à 7 h pm, 7 jours par semaine.

Après cette curieuse entrée en matière, il a pointé la première étudiante assise dans la première rangée et lui a dit : «Merci de vous présenter et d’épeler votre nom complet.» L’étudiante, un peu sous le choc face à cette demande inusitée, s’exécuta tout de même. Le professeur pointa alors le deuxième étudiant et répéta sa demande. À la fin de la première rangée, le professeur dit à la dernière personne:
– Nommez tous les autres étudiants de votre rangée.
– Euh…

Avec difficulté, le pauvre étudiant nomma les cinq étudiants. Tous les derniers de chaque rangée eurent immédiatement la même réaction de panique, genre «Oh-Oh», et s’emparèrent d’un crayon et d’un papier pour prendre en note les noms des étudiants de leur rangée respective.

Mais M.Tranquille avait un autre plan: au lieu de demander au dernier de la deuxième rangée, il demanda au deuxième de celle-ci de nommer tous les étudiants précédents! C’était un taquin de première catégorie. Je te jure, trois jeunes filles se sont levées et on quitté la classe, apeurées devant cet exercice de mémorisation passablement cruel et totalement impromptu. Le jeu continua, le professeur demandant maintenant complètement au hasard à des personnes de redire tous les noms précédents.

À la fin du dernier étudiant de la dernière rangée, le professeur dit: «Bon, maintenant, vous connaissez par cœur le nom d’au moins deux autres étudiants. Allez les voir, demandez-leur leur numéro de téléphone. Si vous êtes absents pour un cours, appelez-les et demandez-leur le contenu que vous avez manqué. Sans cela, je vous garantis que vous ne passerez jamais ce cours.»

M.Tranquille est aujourd’hui décédé et le prix d’un concours de mathématiques du Collège de Maisonneuve porte son nom. C’était un prof merveilleux, original, un peu bourru, mais toujours distrayant.

Parfois, quand je dirige des réunions avec plusieurs personnes qui ne se connaissent pas, j’utilise encore ce que j’appelle la «Méthode Tranquille». C’est une excellente façon de briser la glace.

J’ai aussi essayé de l’utiliser dans la salle d’attente chez le dentiste l’autre jour, pour passer le temps, mais bizarrement les gens n’ont pas embarqué.

 

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.