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Le test-surprise

Il y a 20 ans, en janvier 1998, je commençais mon bac en philosophie à l’UQAM. Mon tout premier cours était un cours d’anthropologie philosophique. Le professeur était un homme de petite taille, barbu et rieur. Il nous avait remis le plan de cours avec la pondération des différentes évaluations de la session: 35% pour le contrôle de mi-session, 50% pour l’examen final et 15% pour un test-surprise qui aurait lieu à l’une ou l’autre des 15 séances.

Le professeur n’avait même pas fini de lire cette dernière phrase que plusieurs étudiants étaient debout pour protester (t’sé, l’UQAM?) contre ce genre de taxe à l’absence. Pour calmer les esprits, le prof avait proposé un compromis: il poserait une question dès maintenant et tous ceux qui auraient la bonne réponse se mériteraient les 15% du test-surprise. Suspicieux, les étudiants avaient accepté la proposition du professeur dont les yeux devinrent encore plus luisants d’excitation.

«Avant de vous poser la question, je vous donne un indice: la réponse est la seule réponse unique qui peut être trouvée par déduction, par chacun d’entre vous, par une réflexion que vous faites par vous-mêmes.»

Après cet indice sibyllin, le prof se dégagea les cordes vocales et posa enfin sa question: «À quel moment aura lieu le test-surprise?» L’étonnement passé, les étudiants inscrivirent leur réponse sur un bout de papier que l’assistant du prof ramassa et dépouilla pendant que le prof trépignait d’excitation. Sur les 250 personnes présentes, une majorité avait répondu quelque chose comme «À l’avant-dernier cours, au 14e  cours», une réponse reposant sur le fait que l’examen final était déjà prévu au 15e cours. Une autre réponse populaire était «Maintenant»; ces étudiants – qui étaient assez fiers de leur réponse – pensant que cette question était en réalité le test-surprise caché. Les séances 11, 12 et 13 étaient aussi des réponses populaires. Presque chacune des séances avait ses partisans, pour plein de raisons diverses.

Le prof avait repris: «Avant de vous donner la bonne réponse, je tiens à féliciter les deux personnes qui ont répondu correctement. Comme le montre la diversité de vos réponses, on peut monter une défense assez convaincante pour chacun des cours 1, 2, 3, jusqu’à 15, et aussi trouver des arguments solides pour chacune des autres réponses que vous avez données. Donc, si chaque proposition peut être défendue et que l’indice disait qu’il fallait trouver une réponse UNIQUE, sans possibilité de délibérer avec les autres, la seule réponse possible est que le test-surprise aura lieu “Jamais”. Voilà, la bonne réponse était : “Jamais.”»

Devant cette réponse-piège, la clameur de protestation repartit de plus belle. Le prof la fit taire d’un geste de la main en disant : «Je vais donner automatiquement les points du test-surprise à tout le monde. On se voit la semaine prochaine pour le vrai premier cours. Ne soyez pas en retard.»

Puis, il était sorti de l’amphithéâtre, nous laissant là avec nos doutes, nos récriminations et nos sourcils froncés. Je n’avais pas eu la bonne réponse, mais j’avais immédiatement su que j’étais à la bonne place.

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