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L’estimateur

En fin de semaine dernière, un jeune homme est venu sonner chez moi pour me proposer ses services pour refaire la peinture du fer forgé de notre balcon au printemps prochain. Si tu te demandes pourquoi je ne le fais pas moi-même, c’est simplement que – comment dire? – j’ai une vie à vivre et que celle-ci n’inclut pas beaucoup de fer forgé. Mais brèfle, il voulait seulement me proposer une estimation et il se prenait d’avance, et j’avoue que c’est une qualité qui me plaît chez quelqu’un.

Le jeune homme en question se trouvait à être un vingtenaire barbu, à bretelles, vêtu d’un costume décrépi qui semblait avoir été acheté dans une vente de feu, à la sortie d’un salon funéraire. Il avait la tête d’un de ces gars qui ont constamment un dé à 20 faces en poche au cas où une partie de Donjon & Dragon commencerait à l’improviste et qu’ils se retrouveraient face à face avec un brigand à cheval, qui serait en fait un mage de niveau 16. Mais, disait-il, il était simplement là pour me donner une idée du prix, aucun engagement.

J’ai commencé à me douter, en le regardant passer au moins 45 minutes à inspecter les 12 taches de rouille sur le fer forgé avec l’air de Sherlock Holmes cherchant un indice pour résoudre un crime impliquant la couronne danoise (pas la monnaie, la madame sur la monnaie), qu’il allait se révéler être une personne que d’aucuns qualifieraient de «difficile». Après son minutieux examen, il est entré dans la maison et a ouvert une valise énorme sur la table de la cuisine et en a sorti environ 800 papiers.
Te dire que j’étais tanné relèverait de l’ividence ividente.

Gontrand (ou Geoffroy ou Gottfried ou fouille-moi-c’est-quoi-son-nom) a ensuite entrepris de me faire passer le plus long questionnaire de l’histoire des questionnaires pour être, et je cite, «bien certain de comprendre vos besoins». Un interminable échange s’en est suivi, échange dont je te retranscris seulement ici la conclusion parce que j’ai à cœur ta santé mentale et ton bien-être:

«Quelles sont vos attentes pour ce projet? demanda le barbu.

– Euh, que la job soit faite comme du monde et à un bon prix?
– Pas d’autres attentes?
– Que cette conversation se termine?
– …
– …
– Mais pour vrai, avez-vous d’autres attentes?
– Non.
– Parfait, sans problème. Donc, j’ai bien inspecté le travail à faire…
– No shit…
– … et avant de vous donner notre estimation, je vous demanderais de répondre à ce questionnaire papier.
– Ooooooook, merci de vous être déplacé, mais malheureusement, c’est trop cher.
– Mais je ne vous ai même pas donné de prix!
– C’est exactement ça le problème. Ça me coûte déjà trop cher en TEMPS. Meilleure chance la prochaine fois.»

Non mais, t’sé, à un moment donné, des fois, pareil, han?

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