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Véhicules électriques: la main invisible du marché ne sera pas suffisante

Photo: AFP Relaxnews

Pour les plus enthousiastes, les véhicules électriques vont tout simplement prendre leur place sur le marché puisqu’ils sont supérieurs aux véhicules à moteur à combustion. Comme les téléphones intelligents, ils remplaceront leurs prédécesseurs en l’espace de quelques années. Dès que la parité des prix sera atteinte (2022 selon Bloomberg), un tsunami va frapper l’industrie. Nos enfants n’auront jamais l’idée de conduire un véhicule propulsé au pétrole.

La (dure) réalité est tout autre
Le marché des véhicules ne réagit toutefois pas aussi rapidement que celui de la communication mobile; on garde un téléphone mobile 2 ou 3 ans, alors qu’un véhicule personnel acheté aujourd’hui restera sur les routes pour 10, 12, voire 15 ans. Sans des politiques publiques agressives, mes enfants et peut-être même mes petits-enfants brûleront encore du pétrole pour se déplacer. Les annonces récentes de la France, de la Grande Bretagne, de la Norvège, de l’Inde et de la Chine pour réduire ou éliminer le moteur à combustion démontrent que l’État doit jouer un rôle central pour accélérer la mutation de cette industrie.

En fait, selon les prévisions les plus optimistes, un tiers des véhicules seront électriques d’ici 2040. Cela signifie que les deux tiers ne le seront pas! Comme le disait récemment le porte parole de GM en annonçant que d’ici 2023 ils auraient 20 nouveaux modèles électriques, «la pénétration des véhicules électriques va évoluer à des rythmes différents dans différents marchés».

Autrement dit, les pays qui ont des politiques publiques favorisant ces véhicules vont effectuer la transition plus rapidement, d’où les annonces de ces pays. La Chine veut bénéficier plus tôt que tard des multiples avantages de cette technologie, notamment pour faire face aux défis importants de santé publique liés à la pollution automobile. Ils savent que sans politiques publiques, ils seront les derniers à profiter de ces voitures propres, économiques et silencieuses.

Pourtant, la plupart des analystes s’entendent pour dire que la parité de prix entre un véhicule électrique et un véhicule à essence sera atteinte d’ici 5 à 10 ans. Aussi, même avec l’autonomie restreinte des modèles d’aujourd’hui (200 à 500 km), ces véhicules répondent déjà à plus de 80% des besoins de déplacements. En effet, une voiture parcourt en moyenne 50 km par jour au Canada. Enfin, le prix d’entretien et d’achat de carburant est beaucoup moindre pour un véhicule électrique.

La logique purement économique nous amènerait donc à prévoir la disparition complète des moteurs à combustion d’ici 10 ans… Mais le prix est loin d’être le seul facteur de décision d’un consommateur. Pour preuve, on achète des véhicules à 40 000$ ou 50 000$ simplement pour le confort, ou même le statut qu’ils nous procurent.

D’importantes barrières à la croissance des véhicules électriques sur le marché

Les véhicules électriques font face à de nombreux obstacles. La plus importante de ces barrières est que les manufacturiers automobiles ont investi des centaines de milliards de dollars dans des usines et des chaînes d’approvisionnement qui assemblent des voitures à essence. Modifier ces chaînes et les usines d’assemblage pour fabriquer des véhicules électriques sera une entreprise gigantesque. Là est l’argument principal des manufacturiers automobiles au Canada qui voit en l’électrification une menace, plutôt qu’une opportunité.

La deuxième barrière au changement est le modèle d’affaires des grands manufacturiers. Ils développent très peu de nouveaux véhicules puisque cela prend des années, voire des décennies, pour rembourser les investissements en recherche et développement. Pensez y: quels véhicules sont en vedette dans les publicités  (parce que leur marge de profit est la plus importante)? Ce sont surtout, les VUS, Jeep, camionnettes, etc. Ces véhicules sont sur le marché depuis des décennies. Leur marge de profit est donc énorme.

La troisième barrière et non la moindre est la publicité. Les vendeurs de véhicules investissent des milliards de dollars en publicité chaque année. Sachant que leur profit se trouve dans la vente des VUS et des camionnettes, pensez-vous qu’ils commenceront demain à nous vanter les vertus des véhicules électriques pendant la soirée du hockey? Au contraire, Toyota, Honda, GM, Ford et Chrysler font le pari qu’en ralentissant la transition vers les véhicules électriques, ils auront le temps de s’adapter.

Certaines entreprises, comme Volvo et Tesla, font un pari différent. Si j’étais investisseur, je mettrais mon argent sur celles-ci.

Le gouvernement du Canada aurait aussi intérêt à se ranger derrière ceux qui sont petits aujourd’hui et à forcer les grands manufacturiers à rendre disponible  des véhicules électriques pour les consommateurs canadiens. Le manque de choix et de disponibilité de véhicules électriques au Canada requiert une intervention de l’État.

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