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S’appartenir

Plus tôt ce mois-ci, on apprenait que l’Arkansas allait rendre encore plus inaccessible l’avortement en légiférant sur le statut du fœtus. Désormais, les fœtus seront considérés comme des membres de la famille et donc les femmes auront à demander l’autorisation du géniteur avant de pouvoir obtenir leur avortement. Rien n’a été précisé dans le cas des grossesses accidentelles à la suite d’un viol, donc, techniquement, un agresseur peut se servir de la nouvelle disposition pour empêcher l’avortement. Pour les mineurs, l’autorisation des parents devra être fournie pour avoir accès à l’avortement. Cette nouvelle m’a ébranlée. De plus en plus, je me demande à quel point le corps des femmes leur appartient réellement.

Quelque temps après avoir appris la nouvelle, je me cloîtrais dans mon appartement. Ça faisait un an depuis ma dernière agression. Un an plus tard, je vis encore avec les symptômes du stress post-traumatique. Les cauchemars, la peur de marcher seule dans la rue et la peur des hommes en général. Cet événement a malheureusement asséné le coup de grâce et m’a enlevé toute impression d’être maître de ma sexualité ou de mon corps.

En travaillant avec les jeunes femmes depuis un certain moment, j’ai remarqué que c’est un sentiment récurrent chez celles-ci. Je ne compte même plus les fois où des adolescentes m’ont confié avoir des relations sexuelles seulement parce qu’elles se sentent obligées de le faire. Je crois fortement que le retrait des cours d’éducation sexuelle y est pour quelque chose. Je me souviens de ceux que j’ai eus et je crois aussi qu’ils étaient horriblement mal adaptés à la réalité. Présenter les moyens de contraception, expliquer ce qu’est un tampon et distribuer des condoms ne sortira pas les jeunes filles de la culture toxique de sexualisation dans laquelle elles sont plongées. Au-delà de la simple notion de consentement, il faut donner des outils aux jeunes femmes pour mieux communiquer leur malaise ou plutôt leur apprendre que c’est correct et normal de ne pas avoir envie d’avoir des rapports sexuels. Il faut surtout apprendre aux garçons à ne plus mettre de pression et à ne plus insister lorsque leur partenaire exprime son refus. Tout comme ces jeunes filles, j’ai jadis baigné dans la zone grise du consentement et j’étais persuadée que le plaisir des hommes primait sur le mien. Si j’avais eu des cours d’éducation sexuelle mieux adaptés, je suis certaine que j’aurais eu plus d’outils pour faire face aux violences sexuelles auxquelles j’allais être confrontée plus tard dans ma vie.

Durant les derniers mois, on a vu à quel point le corps et l’identité des femmes ne sont pas pas respectés. On n’a pas cru Alice Paquet, Donald Trump a signé le Global Gag Rule, on commence tout juste à parler des violences obstétricales, les femmes trans issues de l’immigration au Québec n’ont pas le droit de changer leur prénom ou leur mention de sexe sur leurs documents d’identité, etc. Un an plus tard, je reste encore debout la nuit à me demander comment on se réapproprie son corps.

@MaiteeSaganash

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