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Chasse à l’orignal: une question de respect

Un orignal Photo: Archives Métro

C’est la saison de la chasse à l’orignal. Ceux qui me connaissent ou qui me suivent sur les réseaux sociaux savent que je viens d’une famille de chasseurs et que j’adore cette saison où l’orignal goûte meilleur, comme dit mon père. Cette année, les esprits nous ont envoyé un magnifique cadeau: une femelle de trois ans avec de grandes oreilles et du poil très pâle. Maman, elle qui en a vu des orignaux dans sa vie, nous a dit qu’elle avait rarement vu de la viande aussi belle et tendre. Il fallait la manipuler avec soin, car elle se déchirait. Par respect, nous avons remercié l’animal à haute voix à plusieurs reprises. Chez nous, non seulement c’est culturel, mais c’est primordial.

La première fois que ma mère m’a montré à faire la boucherie de viande sauvage, c’était il y a deux ans. Une première expérience assez intense qui aura duré 14 heures. Ma mère m’expliquait qu’elle avait appris ça lorsqu’elle habitait avec les Atikamekw, dans sa jeunesse. Un aîné qui dépeçait un ours lui avait dit qu’il fallait toujours parler à sa viande, la remercier et exprimer de la gratitude envers l’animal. Ma mère, des dizaines d’années plus tard, continue de transmettre ses enseignements.

Tuer un animal n’est pas drôle. Même si on le chasse, on l’aime de tout notre cœur. C’est pourquoi j’éprouve un profond malaise quand je vois des chasseurs poser fièrement sur des animaux ensanglantés, lorsque je parcours mon fil d’actualités Facebook. Nuhmshum, mon grand-père, frappait le tambour pour les orignaux et ne se vantait jamais de ses exploits de chasse, même s’il était le meilleur. L’humilité est la valeur première chez les Cris, et bien des chasseurs oublient de respecter ces animaux qui se sacrifient pour nous nourrir.

J’éprouve aussi un malaise en voyant des gens se balader avec la tête de l’orignal sur leur pick-up. La tête de l’orignal, oostoogon dans ma langue, est une partie privilégiée qu’on garde pour les festins. Le museau, les joues et la langue sont des parties délicieuses très prisées chez les Autochtones. Alors, quand je vois des gens les gaspiller, j’ai de la peine. J’ai aussi de la peine quand je vois les gens faire des concours de panaches, comme si ces animaux servaient à satisfaire les égos. De plus, les plus gros mâles sont les meilleurs géniteurs, donc on évite de les tuer. Leur viande est également beaucoup moins tendre.

Ma corvée de boucherie d’orignal aura duré deux jours. Ç’a été long et difficile. Les animaux savent nous donner des défis même après avoir traversé dans le monde des esprits. Treize jours de vieillissement dans le coton à fromage et 470 lb de viande plus tard, je me prépare pour la corvée de viande de caribou qui arrivera sous peu. Chaque fois, je m’émerveille devant toute la reconnaissance que ma famille ressent envers ces animaux. Comme j’aimerais que ce soit le cas pour tous les chasseurs du Québec…

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