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Chère sénatrice Beyak

A picture of Senator Lynn Beyak accompanies other Senators' official portraits on a display outside the Senate on Parliament Hill in Ottawa on Thursday, Sept. 21, 2017. The Conservative party is facing questions on why it failed to oust Sen. Lynn Beyak from its caucus sooner despite repeated calls from Indigenous leaders. THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick Photo: THE CANADIAN PRESS

L’an passé, la sénatrice ontarienne Lynn Beyak causait une polémique en affirmant que le système de pensionnats autochtones n’avait pas fait que du mal et que certaines personnes y travaillant étaient bien intentionnées. Lynn Beyak fut récemment exclue du caucus conservateur, à la suite de son refus de retirer une série de lettres racistes publiées sur son site web.

Chère sénatrice Beyak,
Cet été, j’écoutais mon père donner une présentation à l’Université Bishop’s. Il parlait de ses années au pensionnat, chose qu’il arrive encore difficilement à faire. Pour lui, les moments les plus douloureux au pensionnat de La Tuque étaient ceux où il voyait les outardes voler vers le Nord et où il était conscient de ne pas pouvoir être avec ses parents pour la chasse. Moi aussi, je deviens émotive lorsque je les vois voler vers la maison et que je ne peux pas pouvoir les suivre. Vivre en ville me rend malade spirituellement, mentalement et physiquement, pour des raisons bien évidentes. Pour le jour de l’An, notre premier ensemble depuis 18 ans et notre premier sur le territoire, je lui ai perlé une outarde, en guise de jours meilleurs.

J’ai 22 ans et je n’ai que des bribes d’histoire de mon père au pensionnat. Ce système des écoles de la honte a conditionné les enfants autochtones par la peur, et mon père, encore à ce jour, a de la difficulté à parler de ses traumatismes. La majorité de ce que je sais, je l’ai appris dans un livre. On m’a ensuite invitée à en discuter à Radio-Canada, car souvent les médias nous offrent une tribune uniquement pour nous revictimiser encore et encore. Même si je parle des traumatismes intergénérationnels des pensionnats, j’ai droit à des: «Mais t’es même pas allée, reviens-en!» Être Autochtone, c’est devoir constamment faire un porno de traumatismes pour les gouvernements, les médias et les allochtones, et se faire plonger dans des Olympiques de la douleur, contre son gré.

J’écris présentement ces lignes depuis Eeyou Istchee. Au lieu de me concentrer à guérir, je dois encore perdre mon temps et mon énergie 
à répondre à des gens comme vous, Mme Beyak, qui nient le génocide des pensionnats, même si on nous l’avait amplement fait durant les célébrations de Canada 150. Le fardeau d’éduquer est toujours sur nos épaules. La plupart du temps, c’est bénévolement que nous le faisons, et lorsque je suis en ville, c’est chaque jour que 
je dois le faire.

J’ai parlé à votre collègue, le sénateur Murray Sinclair, un des commissaires de la Commission Vérité et Réconciliation sur les pensionnats autochtones. Je lui ai demandé comment il a fait pour pardonner après avoir recueilli les témoignages de survivants pendant cinq ans. Je suis souvent fâchée. Fâchée à cause de la persistante colonisation de mon peuple, fâchée à cause de ce que les pensionnats ont fait à ma famille, et je n’arrive pas à pardonner. Il m’a dit que le pardon n’est pas nécessaire afin de réaliser la Réconciliation. Que je devrais plutôt pardonner à mon père pour son silence. Exiger de vous faire pardonner comme condition pour réparer les pots cassés est une manière de nous manipuler. Vous nous avez suggéré d’en revenir et de passer à autre chose à vos côtés. Sachez que je n’ai pas 
à accepter votre invitation.

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