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Vous avez réveillé le géant

An Indigenous woman holds up a sign during a rally for Tina Fontaine in Vancouver, B.C., on Saturday February 24, 2018. A man accused of killing a 15-year-old Indigenous girl and dumping her body in Winnipeg's Red River was found not guilty of second-degree murder this week.Tina Fontaine's remains were discovered eight days after she was reported missing in August 2014. THE CANADIAN PRESS/Darryl Dyck Photo: Darryl Dyck/La Presse canadienne

Nous étions de nombreux Autochtones à suivre de près le procès de Gerald Stanley et celui de Raymond Cormier. Le premier a été acquitté du meurtre au deuxième degré de Colten Boushie, tué d’une balle dans la tête. L’autre a été déclaré non coupable du meurtre au deuxième degré de Tina Fontaine, jetée au fond d’une rivière. Tous les deux étaient de jeunes Autochtones, comme moi. Aucun des deux n’a obtenu justice.

Les délibérations m’ont profondément secouée, surtout celles dans le procès de Raymond Cormier, qui a donné des détails sur la mort de l’adolescente à des policiers qui l’ont enregistré à son insu. Dans un article publié par CBC, les événements qui ont marqué son dernier été sont relatés. Tina était une enfant brisée par le système de protection de la jeunesse, un système qui pousse souvent les jeunes Autochtones vers l’itinérance, voire la mort. Cormier, 56 ans, a admis avoir eu des relations sexuelles avec l’adolescente. Selon un témoin, Tina avait décrit Raymond Cormier comme un «creep» [une personne bizarre, NDLR]. C’est ce qui m’a le plus bouleversée. Je me suis moi aussi déjà retrouvée dans ce genre de situation où un homme pense que tu as une dette envers lui parce qu’il te donne de la drogue, où ton corps ne t’appartient soudainement plus dans sa tête. Moi aussi, des hommes beaucoup trop vieux m’ont donné des substances, probablement parce que j’étais de leur goût. Je suis en vie. Pas Tina. Le soir où le jury a rendu son verdict, j’ai pleuré jusqu’à épuisement. Mon syndrome de stress post-traumatique a fait des siennes et j’ai des cauchemars depuis. Vous êtes chanceux de pouvoir garder une certaine distance émotionnelle avec ces cas. Nous, Autochtones, on ne peut pas. On connaît tous une Tina ou un Colten, où on l’a été soi-même.

Une semaine plus tôt, Gerald Stanley était acquitté du meurtre de Colten Boushie. En 2016, Colten s’était arrêté sur la ferme de Gerald Stanley, avec un pneu crevé. Les circonstances de l’altercation entre les jeunes Autochtones et le fermier restent floues, mais ce soir-là, Colten Boushie, 22 ans, est mort. Gerald Stanley s’est défendu en disant que son fusil avait tiré tout seul. La copine du défunt s’est fait dire à ce moment-là: «This is what you get for trespassing.» [Voilà ce qui arrive quand on s’introduit dans une propriété privée, NDLR] La mère de Colten, elle, a eu droit à des: «Get it together, mam!» [Reviens-en! Passe à autre chose!, NDLR], de la part des agents du RCMP, et des questions lui demandant si elle était intoxiquée. Non seulement Stanley a été acquitté, mais une page GoFundme a amassé plus de 200 000 $ pour lui. Une vraie claque au visage.

Les délibérations des jurés dans les meurtres de Tina Fontaine et de Colten Boushie envoient un horrible message aux jeunes Autochtones. Au Canada, il est légal de nous tuer. Au Canada, les médias vont préférer parler de nos problèmes de consommation, plutôt que de notre dignité. Encore une fois, le Canada nous dit très clairement qu’on ne vaut pas grand-chose. Cessez de me parler de réconciliation, lorsque visiblement nous sommes les seuls à vouloir y contribuer.

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