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Perler des souvenirs

Je suis présentement à Chisasibi. Près de la centrale hydroélectrique LG-1, si ça peut vous situer. J’ai remarqué que bien des Québécois-es connaissent bien les centrales, mais ignorent les noms des communautés autochtones à proximité. Bref, il fait doux au nord. J’avais hâte de venir à Chisasibi. Ici, le Retro Daze Cafe, une entreprise crie, fait les meilleures ailes de poulet du territoire. J’ai déjà vu quelqu’un sur Facebook s’en faire livrer à Eastmain par avion. Il y a aussi le Ouwah Store, vrai paradis pour les couturières et les perleuses et réel danger pour mon portefeuille. J’ai repris goût au perlage et à la couture quand je suis devenue une danseuse de pow-wow. Ma grand-mère m’a appris à perler, il y a plusieurs hivers déjà. Ma tante Andrée m’avait aussi montré les rudiments de la couture. Ces arts sont encore bien vivants sur mon territoire, et celui-ci abrite quelques-unes des meilleures artistes que je connaisse.

Ce délicat savoir-faire est transmis de génération en génération et comporte aussi une dimension spirituelle. Apprendre à perler ou à coudre certains vêtements, c’est aussi recevoir des leçons de vie importantes. Mes ancêtres ne se camouflaient pas pour aller chasser. D’ailleurs, les aînés conseillent encore aujourd’hui aux jeunes de porter quelque chose de neuf pour leur première chasse. Mes ancêtres portaient leurs plus beaux vêtements brodés et perlés pour aller chasser. Être visible pour l’animal est un signe de respect.

Ceux-ci allaient à la rencontre des esprits et des animaux, donc c’était une grande occasion.

Les perles de verre et de céramique ont été introduites par les Européens à leur arrivée sur notre territoire. Avant leur venue, nous utilisions des matériaux comme les piquants de porc-épic. Les femmes de mon peuple ont également été inspirées par les motifs floraux des vêtements des Européennes. Nous avons donc commencé à orner nos vêtements avec nos propres motifs, floraux au lieu de nos anciens motifs qui étaient plus géométriques. Encore aujourd’hui, vous verrez nos gants, nos mocassins, nos étuis à fusils et nos vêtements cérémoniels décorés de magnifiques fleurs brodées ou perlées, avec la même symétrie que nos motifs d’antan.

L’artisanat cri permet aux jeunes comme moi de porter leur culture fièrement et de s’exprimer artistiquement. D’ailleurs, vous me verrez rarement porter autre chose que des boucles d’oreilles perlées (j’en porte même sur la photo ici à gauche). C’est un art très thérapeutique pour moi: les mouvements répétitifs du perlage m’aident beaucoup avec mon anxiété. Créer du perlage coloré est également ma façon de mettre un peu de couleur dans ma vie lorsque celle-ci semble terne et maussade. L’artisanat est médecine. C’est pourquoi je vois les femmes de ma famille dans chaque perle que je file.

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