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Protéger les histoires

Maïté Labrecque-Saganash

Travailler dans le domaine de la culture au sein de mon peuple est véritablement formateur. Je voyage avec l’exposition Footprints: A Walk Through Generations, un projet de l’Aanischauukamikw Cree Cultural Institute. Comme l’institut et le musée sont basés à Oujé-Bougoumou et que la distance pose un problème pour les gens des autres communautés qui souhaitent nous visiter, nous avons amené le musée à eux, en quelque sorte.

Beaucoup d’aînés passent par l’exposition. Certains prennent le temps de s’asseoir avec nous et de nous raconter des histoires autour des différents artefacts de l’expo. Certaines histoires sont magnifiques et témoignent de toute la profondeur spirituelle qui accompagne notre culture. Bien souvent, j’aimerais vous partager des légendes et des histoires. On me demande aussi fréquemment de parler des enseignements derrière nos cérémonies traditionnelles. Quand j’ai affaire à des Allochtones, j’évite de parler trop ouvertement de ces choses. Je vous assure qu’il y a des raisons valables à ce refus.

On parle de plus en plus de protection et de revitalisation des cultures autochtones dans les universités. Il vient toujours cette hésitation sur ce qu’on veut partager avec des gens qui ne sont pas familiers avec nos codes sociaux et notre spiritualité. Certaines légendes ne peuvent être partagées durant certaines saisons ou dans des contextes non appropriés. Quelqu’un qui avait bien compris ça, c’est le Dr Harvey A. Feit, anthropologue bien connu des Cris de la Baie-James. Harvey a passé beaucoup de temps avec ma famille, a bien connu mon grand-père, que je n’ai pas connu. Il a passé du temps en forêt et savait qu’une confiance doit être établie entre les individus pour ce genre de recherche. Il y a aussi la Dre Suzy Basile, de la nation Atikamekw Nehirowisiw, qui a fait un guide méthodologique pour les étudiants ou les experts souhaitant travailler avec les femmes autochtones. Nos codes d’éthique sont différents, et ce respect doit être à la base de tout entretien entre Autochtones et Allochtones.

Mon amie Tania Larivière me racontait une histoire l’autre jour. Un anthropologue faisait ce qu’on appelle de l’anthropologie de survie avec les Autochtones et s’est fait raconter une légende innue. La compréhension manichéenne des Blancs, héritage de l’Église, est venue fausser l’analyse que l’anthropologue a faite de ce que les Innus lui ont raconté. Selon la légende, un jumeau façonnait le territoire et l’autre détruisait ce qu’il faisait. Il a conclu que c’était le bien et le mal alors qu’en réalité, le deuxième jumeau détruisait ce que son frère faisait, car celui-ci ne s’appliquait pas. On ne peut pas prendre le risque que nos légendes et nos spiritualités soient constamment mal interprétées de la sorte.

Nos histoires, légendes et enseignements sont sacrés. Il existe plusieurs versions d’une légende et enregistrer une seule d’entre elles à des fins académiques peut nier cette réalité, car toutes les versions sont bonnes et servent dans plusieurs contextes ou épreuves de vie. Nos enseignements autour des cérémonies sont vivement protégés aussi. On essaie seulement de faire en sorte que ce savoir hérité de nos ancêtres ne tombe pas entre les mains de n’importe qui.

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