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Hommage à James Luna

Maïté Labrecque-Saganash

Il y a quelques semaines déjà, un de mes artistes préférés a fait le grand voyage jusqu’au monde des Esprits. James Luna était Kumeyaay et Payómkawichum, et il a consacré son œuvre à la manière dont les Autochtones sont représentés dans les médias, les musées et la culture populaire. Le travail de James Luna est une réplique cinglante au colonialisme, marquée par une grande volonté de raconter sa propre histoire. Sa mort m’a fait redécouvrir son œuvre, et ce, à un âge où je peux encore mieux la comprendre.

Si vous avez des enfants, prenez leur livre d’histoire et feuilletez-le. Cherchez la partie où on traite des Autochtones et regardez bien les images. Vous y trouverez des gravures où on nous voit à genoux et légèrement vêtus devant les Européens. Bref, primitifs et soumis. Vous y trouverez également peu de contenu sur les êtres pourtant très contemporains que nous sommes et – sans surprise – y apprendrez très peu sur les réels effets de la colonisation. Dans sa performance Take a Picture with a Real Indian, James Luna dénonce le déni du violent passé colonial des États-Unis et l’image stéréotypée des Autochtones. Devant la station de train Union Station, il monte sur un podium et crie : «Prenez une photo avec un véritable Indien! Prenez une photo ici, à Washington, D.C., en ce magnifique lundi matin et en ce Jour de Colomb! L’Amérique adore dire “ses Indiens”. L’Amérique adore nous voir danser pour elle. L’Amérique adore notre artisanat. L’Amérique adore donner le nom de nos tribus à des voitures ou à des camions. Prenez une photo avec un véritable Indien! Prenez une photo ici, en cette journée ensoleillée sur Washington, D.C!», et ce, jusqu’à l’humiliation.

James Luna était également connu pour son œuvre The Artifact Piece. On le voit couché dans un bac de sable, entouré de ses objets favoris et couvert d’un simple pagne. Montée au Musée de l’Homme de San Diego, son installation ressemble alors à une vitrine de musée comme celles où on expose froidement les identités autochtones, les dénuant de tout contexte historique ou de profondeur spirituelle. The Artifact Piece me rappelle aussi qu’au Manitoba, des squelettes d’Autochtones ont été «découverts», lors de la construction de barrages électriques. On s’est alors permis d’envoyer les corps dans une université de la province, sans le consentement des nations de la région. Être Autochtone, c’est aussi se faire manquer de respect jusque dans sa sépulture et voir des gens obtenir un droit de propriété sur le corps de ses ancêtres.

L’ensemble de l’œuvre de James Luna démontre toute l’importance d’établissements comme l’Aanischauukamikw Cree Cultural Institute, le Musée Huron-Wendat, l’Avataq Cultural Institute ou le Musée des Abénakis, où nos histoires sont racontées par des gens de nos nations et d’une manière qui nous ressemble. Son travail est une des plus belles critiques du révisionnisme historique que je connaisse, et je vous invite à le découvrir s’il vous est inconnu. Hiy hiy, James Luna! Quel magnifique legs tu nous laisses!

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