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Au-delà des protocoles

NDP MP Romeo Saganash stands during question period in the House of Commons on Parliament Hill in Ottawa on Tuesday, Sept. 25, 2018. THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick Photo: Sean Kilpatrick/La Presse canadienne

Je suis présentement à Whapmagoostui pour le travail. Il n’y a pas de route pour se rendre ici et mon cellulaire ne «pogne» pas. Mardi, je suis donc arrivée à mon transit après une longue journée, pour me rendre compte qu’une onde de choc avait secoué le Canada à mon insu. L’épicentre? La Chambre des communes. Les memes inondaient mes réseaux sociaux, mon peuple célébrait et des Allochtones déchiraient leur chemise sur Twitter. Durant la période de questions, le député d’Abitibi–Baie-James–Nunavik–Eeyou a demandé en anglais à Justin Trudeau: «Mr. Speaker, sounds like a most important relationship doesn’t it? Why doesn’t the prime minister just say the truth and tell Indigenous people that he doesn’t give a fuck about their rights?» «Pourquoi le premier ministre ne dit-il pas la vérité et dire aux peuples autochtones qu’il se câlisse de leurs droits», comme a traduit un journaliste de La Presse, ou comme on dirait en «cranglais: «Why doesn’t the Prime Minister just say the truth and tell Indigenous people that ehka yupataymat duggy yet about their rights

Derrière ce simple juron, qui en a insulté plus d’un «parce que ça manque de classe», il y a à peu près 34 ans d’exaspération. Le préambule de la question portait sur l’acharnement du gouvernement Trudeau dans le dossier Trans Mountain, même après la suspension de la construction de l’oléoduc par la Cour d’appel. Justin Trudeau, qui affirme que la plus importante relation est celle qu’il a avec les Autochtones, ajoute à l’insulte qu’il a en réalité coupé dans les budgets prévus par le ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada. Comme le préambule le disait, le gouvernement a volontairement décidé, de façon dégoûtante, de ne pas remplir ses obligations constitutionnelles. En 34 ans, l’argument que le gouvernement ne peut pas accommoder toutes les demandes des Autochtones, Roméo Saganash l’a entendu souvent. Surtout lorsqu’il est question de protection du territoire.

Je ne pensais pas non plus qu’un «f**k» soulèverait autant les Autochtones. Nombre d’entres nous sont lassés de voir notre leadership rester passif devant la violation de nos droits. Des gens comme Perry Bellegarde seraient censés se tenir debout à nos côtés, mais préfèrent donner des bâtons d’exploit et des courtepointes à étoile, des cadeaux sacrés dans nos cultures, à des gens qui ne les méritent pas. Voyez, j’en ai marre de voir les aînés de ma communauté barrer des routes forestières et écrire des lettres qui rebondissent aux ministères, en guise de cri du cœur. Ce «f**k» se fait entendre depuis longtemps dans nos communautés et c’est pourquoi autant de gens se sont ralliés derrière Roméo Saganash. C’est aussi pourquoi je ne me suis même pas intéressée aux élections provinciales. Ghislain Picard a bien résumé notre frustration: «Est-ce que ça prend toujours une tragédie pour qu’on parle de nos questions?»

Ce n’était pas juste un juron. C’était quelqu’un qui guérit, qui se fait constamment dire de respecter des protocoles pour qu’on l’écoute et qui ne se fait pas écouter en fin de compte. C’est quelqu’un qui a l’habitude de rester stoïque et diplomatique devant des gens qui lui rient carrément au visage. Mais c’est assez. Parfois, le jargon politique et juridique ne fait pas justice à notre épuisement. Si certains s’indignent plus d’un juron qu’ils ne s’indignent des conditions de vie des Autochtones, il y a un méchant problème.

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