Le baloney

Quand j’écris ma chronique, il m’arrive souvent de vous imaginer en train de la lire. Peut-être que vous n’êtes pas d’accord avec moi. Peut-être qu’au contraire, ce que vous lisez articule une idée qui vous a déjà traversé l’esprit. C’est comme si, en écrivant, j’imaginais une sorte de dialogue entre nous, et je vous voyais en lecteur aguerri. Je m’efforce donc de poser des questions pertinentes et d’étayer mon point de vue avec des arguments honnêtes. Bref, de ne pas vous prendre pour des valises.

Parfois, j’ai l’impression que nos dirigeants ne se donnent pas cette peine. L’actualité des derniers jours est pleine de ces annonces qui me font lever les yeux au ciel : on nous prend pour des tartes! Voici trois exemples.

Peu importe que la Cour supérieure du Québec ait rabroué le ministre de l’Environnement en raison des lacunes dans le processus de délivrance du certificat des travaux de forage pétrolier à Cacouna, le premier ministre Philippe Couillard répond: il faut forer quand même, parce que ce forage «fait partie l’évaluation environnementale». Mais c’est précisément parce que la première étape à franchir dans l’évaluation envi­ronnementale n’avait pas été respectée que la cour a interdit que commencent les travaux.

Pierre Karl Péladeau, possible futur candidat à la chefferie du PQ, réputé être un des employeurs les plus intransigeants que le Québec ait jamais connus, faisait une sortie publique remarquée la semaine dernière: ce spécialiste du lock-out (c’est-à-dire de l’arrêt total du dialogue), est soudainement transformé en amoureux du modèle québécois (c’est-à-dire la concertation, le dialogue).

Alors même que se déroulait aux Nations unies la rencontre sur le climat que Stephen Harper avait choisi de bouder, alors aussi que son gouvernement finance et protège l’exploitation du pétrole sale au Canada, notre premier ministre affirmait il y a quelques jours, le plus sérieusement du monde, que le Canada est un «leader mondial» en matière de lutte contre les changements climatiques.

Sommes-nous censés suspendre notre jugement? Croire sur parole? Oui, les dirigeants subissent d’énormes pressions, parfois contradictoires. Et je crois qu’ils devraient avoir le droit de se tromper, et même de changer d’avis. Mais dans ces exemples, on a affaire à des inventions qui ont pour seul but de servir les intérêts immédiats de ceux qui les fabriquent. Face à un public informé et curieux, pensent-ils vraiment qu’ils peuvent nous faire croire n’importe quoi? La réponse, c’est oui. Car ils savent qu’ils n’en paieront pas de prix politique. Comment ça se fait? Être respectés ne nous importerait-il pas? La réponse m’échappe. Mais il me semble que nos élites devraient être tenues de satisfaire à des exigences autrement plus élevées.

Les Anglais appellent ça «baloney»: un mensonge qui est si exagéré qu’il en devient absurde. Nos dirigeants nous servent du baloney. Et apparemment, on en mange.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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