La paire

J’écoutais du vieux Beastie Boys quand la nouvelle est tombée : le supplice d’Yves Bolduc était terminé. Et puis, j’ai soudainement compris le sens de l’album Ill Communication.

Un politicien qui parle, c’est un humain qui prête le flanc à toutes les attaques. Une erreur se glisse dans son analyse? On l’accuse de manquer de jugement. Il fait un mauvais choix de mots?

C’est de l’incompétence. Elle refuse de répondre, de se prononcer sur-le-champ? C’est un déni de démocratie.

On peut très légitimement soutenir qu’Yves Bolduc s’est auto-saboté et qu’il était incompétent… Mais ce qui m’intéresse, dans cette histoire, c’est qu’elle illustre à quel point la relation entre politique et journalisme est difficile, bien que nécessaire.

Quand, l’été dernier, Obama a répondu : «Je n’ai pas encore de stratégie» alors qu’on lui demandait comment il comptait réagir à la menace d’État islamique, une tempête médiatique s’est abattue sur lui. Bien de bonnes raisons justifient sa réponse. Mais on l’a accusé de manquer de leadership.

Face à de tels risques, les politiciens moins habiles dans l’art oratoire se crispent et adoptent cette bien-aimée langue de bois, s’entourent de gestionnaires de message et d’image.

Les médias doivent, quant à eux, séparer le bon grain de l’ivraie : qu’est-ce qui constitue l’intérêt public? Et qu’est-ce qui n’est que raillerie, mesquinerie ou futilité? Ils doivent en décider quotidiennement. Une déontologie encadre leur travail, et les journalistes à qui j’ai pu en parler me disent qu’ils la prennent très au sérieux. La tâche n’est pas facile.

Certains médias réussissent à marcher sur cette corde raide. Et c’est à eux que je donne mon temps ou mon argent. D’autres, au contraire, font leurs choux gras d’un sensationnalisme qui prend leurs lecteurs ou auditoire pour des cruches. Voyez la titraille hystérique d’un journal québécois – «Voyage royal aux frais des Français» – qui a créé une mini-crise diplomatique entre Philippe Couillard et la France la semaine dernière. Pendant qu’on exige du premier ministre Couillard qu’il s’explique à ce sujet hautement trivial, on ne parle pas de la demi-douzaine de décisions majeures qu’il prend en ce moment même. Des décisions qui vont transformer la société québécoise en profondeur.

Ces deux protagonistes de la démocratie que sont les médias et les élus jouent un jeu où les règles sont de moins en moins claires et, surtout, où les frontières entre intérêt public et avantages privés sont souvent brouillées. Et le pouvoir tentaculaire du web fait monter les enchères.

On pourrait dire que c’est une relation d’amour-haine. Ils ont besoin l’un de l’autre, mais ils se plaisent à se casser les pieds. Et nous, les témoins endurcis, on se berce de la nostalgie d’un âge d’or de la politique. Une époque qui n’a jamais existé.

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