Le pacte

En 1945, sur un yacht dans le canal de Suez, le roi Saoud d’Arabie saoudite et le président américain Roosevelt signaient le Pacte de Quincy. Ils s’entendirent pour que le royaume d’Arabie saoudite garantisse l’essentiel de l’approvisionnement américain en pétrole, à condition que les États-Unis protègent en tout temps les intérêts vitaux du royaume et qu’ils ne s’ingèrent pas dans la politique intérieure saoudienne.

Soixante ans plus tard, l’Occident verse des larmes de crocodile devant le sort du blogueur Raif Badawi, qui croupit dans une prison saoudienne. Le régime saoudien emprisonne, torture, mutile et exécute tous ceux qui, par leurs paroles ou leurs gestes, ne se conforment pas aux préceptes stricts du salafisme wahhabite, une branche puritaine et sectaire de l’islam. Des préceptes qui ont force de loi.

Pendant ce temps, pas trop loin de là, le groupe État islamique terrorise les populations à la frontière de l’Irak et de la Syrie avec le dessein d’y installer un régime salafiste. L’Occident – le Canada inclus – combat EI dans sa «lutte au terrorisme», tandis que le royaume saoudien combat EI parce que ce dernier ne reconnaît pas la légitimité de la famille royale saoudienne.

Mais le groupe État islamique est en quelque sorte l’enfant illégitime de l’Arabie saoudite, inspiré par la même idéologie qui a donné naissance à l’Arabie saoudite, et que celle-ci n’a cessé de propager grâce à sa richesse phénoménale, en finançant des milliers de mosquées, de centres culturels et autres institutions partout dans le monde. Une dissémination idéologique financée par la vente de pétrole à un Occident maintenant pétrifié par la montée de l’islamisme extrémiste. «Tout est dans tout», comme on dit.

L’Occident n’a jamais voulu confronter l’Arabie saoudite à cause de ses intérêts commerciaux et financiers. Nous dépendons de son pétrole et elle est accroc à nos armes : les États-Unis viennent de signer un contrat de 46 G$US de vente d’armes à l’Arabie saoudite; en 2014, le Canada a quant à lui signé une entente d’une valeur de 15 G$ en véhicules blindés. Le gouvernement canadien refuse de confirmer si l’entente prévoit que les armes vendues à l’Arabie saoudite ne seront pas utilisées contre ses propres citoyens.

En mars dernier, Margot Wallström, la ministre suédoise des Affaires étrangères, a osé dire la «vérité qui dérange» en dénonçant les abus du régime de Riyad contre ses propres citoyens, et en particulier le sort réservé aux femmes. Riyad a rétorqué qu’elle devait se mêler de ses affaires. Aucun autre pays ne l’a soutenue.

«L’Arabie saoudite n’est rien d’autre qu’une sorte d’État islamique bien habillé», a écrit le journaliste et auteur algérien Kamel Daoud. Se cachant derrière une rhétorique hypocrite, l’Occident fait d’un côté la guerre à un «terrorisme islamiste», et de l’autre, soutient des extrémistes islamistes pour la simple raison qu’ils disposent d’une arme de persuasion massive, l’argent.

Et tant pis pour leur population!

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