Intégration des immigrants: l’intangible

Mes voisins ont émigré du Portugal il y a plus de 40 ans. Il a travaillé toute sa vie, elle est restée à la maison. Il parle français, elle non. Preuve par l’exemple que le travail est l’une des meilleures façons de s’intégrer à une société.

Le travail, c’est le concret. Mais que dire de tout le reste? De cet intangible qu’on peut appeler «effort» que les immigrants doivent faire pour s’intégrer à leur société d’accueil? Cette disposition d’esprit qui permet de faire sienne une culture qui n’a pas façonné notre identité première. Cette disposition n’entre pas dans notre cœur dès le moment qu’on atterrit à l’aéroport. Elle est presque un acte de foi; elle se nourrit de confiance et de détermination. Elle est mise au défi à chaque échec, chaque rejet. Elle résiste à la tentation de se replier sur un ghetto.

J’imagine le défi humain, psychologique et même spirituel que représente l’immigration pour ceux qui ont un parcours difficile.

Dans cet effort, il peut aussi y avoir du plaisir: celui de dévorer du regard et du cœur le milieu dans lequel on arrive, celui d’aller vers les «locaux» pour nouer des liens et, à travers ces liens, d’«apprendre» sa nouvelle société. Et la satisfaction de former une communauté à l’échelle de son milieu de vie, pour enfin, à un moment donné, se reconnaître dans la culture nationale.

Et que dire de la société qui accueille l’immigration? Elle aussi doit nourrir cette disposition d’esprit qui lui fait tendre la main à ceux chez qui elle ne se reconnaît pas de prime abord. À voir l’humanité chez l’autre, même s’il lui apparaît différent à première vue. L’effort doit être collectif autant qu’individuel.

Le gouvernement québécois a décidé de couper dans le budget des cours d’initiation au Québec. On imagine mal que ces cours puissent transformer une personne fermée au regard insensible en amoureuse de sa société d’accueil. Mais ils peuvent sans doute semer une graine. Donner quelques repères qui permettent de se raccrocher quand on se sent parfaitement étourdi par l’inconnu qui nous entoure. Chaque effort que le Québec fait en ce sens est utile et ne devrait pas être mesuré à l’aune de l’efficacité budgétaire ou d’une fallacieuse logique d’offre et de demande.

Si nous voulons continuer à être une société d’immigration, nous devons nous attaquer à l’intégration avec la même ferveur et la même conviction que nous mettons dans la lutte contre la pauvreté. Car l’échec de l’un ou de l’autre produit le même résultat: l’exclusion. Au lieu de se rencontrer, les identités s’affrontent.

Dans Les identités meurtrières, son essai sur l’immigration, Amin Maalouf dit de l’empathie qu’elle est «cette faculté intuitive à se mettre à la place d’autrui et de comprendre ses sentiments et ses émotions». L’immigration, lorsqu’elle fonctionne, fait appel au meilleur de l’être humain. Mais il faut créer toutes les conditions qui la mettent sur la bonne voie.

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