Pompiers pyromanes

Nous sommes en guerre. Il y a exactement un an, le Canada s’est joint à une coalition de nations dirigée par les États-Unis pour combattre État islamique en Irak. Horrifiés que nous étions par les atrocités commises par EI, nous avons accepté cette intervention militaire sans trop poser de questions. Six mois plus tard, le gouvernement canadien a élargi son action à la Syrie. Aujourd’hui, des voix s’élèvent ici et ailleurs pour demander qu’on envoie des «bottes au sol», des combattants sur le terrain.

Malgré le raisonnement de Stephen Harper, faisant de cette intervention un devoir moral afin de «faire reculer les djihadistes», il n’a jamais vraiment défini les critères de succès de notre action militaire. Quand saurons-nous que nous avons accompli notre mission? Lorsqu’EI sera complètement détruit? Cela nous condamnerait à une guerre perpétuelle face à un ennemi qui se renouvelle sans cesse. Les arguments du premier ministre sont demeurés flous, centrés autour d’une volonté de «lutter contre le mal». Cette rhétorique simpliste et va-t-en-guerre dirigée contre des «méchants» fait disparaître toute la complexité de la situation, notamment sur le rôle majeur joué par l’Occident dans ce bourbier. Car dans ce jeu d’alliances improbables, nous sommes à la fois pompiers et pyromanes.

Lorsque le Canada est intervenu en Libye en 2011 avec une dizaine d’autres pays, la France en tête, l’argument justifiant le bombardement du pays était le suivant: il y a un soulèvement populaire contre un dictateur sanguinaire, soutenons ces rebelles en renversant le gouvernement pour instaurer la démocratie. Nous avons complètement détruit l’État et l’armée libyens, et abandonné le pays aux mains de différentes milices, qui ont alimenté des groupes terroristes en Afrique du Nord et de l’Ouest. Aujourd’hui, la Libye est un État failli, un pays où règne le chaos, où des factions armées massacrent des civils (en ciblant notamment des chrétiens). Les mêmes arguments de «changement de régime» avaient justifié l’intervention américaine et anglaise en Irak, une intervention tristement célèbre pour avoir fait 200 000 morts irakiens et mené à la création de cet État islamique que nous voulons combattre aujourd’hui.

À ce jour, l’action militaire occidentale dans la région a été désastreuse et contre-productive. Et nous voudrions y participer? Il faut faire face à la réalité: vouloir instaurer la démocratie et un État de droit en bombardant un pays, ça ne fonctionne pas. Soutenir des factions à tour de rôle, en déshabillant Pierre pour habiller Paul, ça ne tient pas la route. Tenter de résoudra un problème en employant les stratégies qui ont engendré le problème, c’est de la folie meurtrière. Si la force militaire était une baguette magique, nous en aurions eu des preuves depuis une décennie.
La campagne militaire actuelle prépare la prolongation de ce conflit qui dure déjà depuis quatre ans. Elle crée les conditions mêmes dans lesquelles prospèrent les extrémistes violents comme État islamique. Nous devrions privilégier une stratégie politique et diplomatique. Au lieu de se pavaner en affirmant être une puissance militaire, le gouvernement canadien devrait être le leader de la promotion d’une solution négociée. Ou alors, on peut choisir de répéter, encore, les mêmes erreurs.

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