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Des liens manifestes

Il y a des ironies de la vie qui ont une saveur particulièrement amère. À l’ouverture aujourd’hui de la COP21 à Paris, et deux semaines après les attentats en sol français, la proximité des deux événements dans le temps et l’espace met en relief les liens qui les unissent.

À leur arrivée à Paris pour participer à la conférence des Nations unies, plusieurs dirigeants ont fait des déclarations sur l’importance de la coordination mondiale dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Tandis que le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a préféré rappeler que la lutte contre les changements climatiques et celle contre le terrorisme vont main dans la main.

Terrorisme et réchauffement climatique, même combat? Le rapprochement peut sembler saugrenu à première vue. Mais les agences publiques et les chercheurs indépendants démontrent de plus en plus que les deux phénomènes sont très liés.

C’est que les changements climatiques, en plus de provoquer des problèmes de «premier degré», ont aussi un effet multiplicateur. Ils causent des sécheresses et des inondations et font progresser des maladies infectieuses, puis ces phénomènes engendrent ou exacerbent des crises alimentaires, économiques et sociales, des migrations forcées et de l’instabilité politique : un terreau fertile pour les conflits et la radicalisation.

Bien des militants qui tentent de ralentir le réchauffement de la planète le font justement dans une perspective de justice sociale et de paix, car nous savons désormais que les premières victimes des bouleversements climatiques sont les populations les plus vulnérables, dans les pays les plus instables.

La Marche Climat de Paris, prévue hier, devait être la culmination de plusieurs années de travail par des milliers d’ONG et de citoyens de la planète pour forcer un engagement ferme des dirigeants. Après les attaques terroristes, l’état d’urgence a été instauré. Le gouvernement français a interdit les manifestations sur la voie publique. La marche a été annulée. Parmi les premières victimes de l’état d’urgence on trouve donc ceux-là mêmes qui œuvrent à bâtir un monde plus juste, plus vert, moins violent, exempt du chaos et des perturbations que les changements climatiques engendrent. Triste ironie.

Désormais, des policiers patrouillent les rues de Paris et arrêtent, fouillent ou assignent à résidence sans devoir fournir de raisons ou de preuves. Des appartements sont perquisitionnés. La population a littéralement été mise sous tutelle. Durant trois mois. La nécessité de maintenir ces mesures pendant une aussi longue période n’a pas été démontrée par le gouvernement français. Au lendemain des attentats, ne disait-on pas qu’il fallait à tout prix défendre les valeurs françaises? Est-ce qu’on y parviendra en suspendant les droits civiques les plus élémentaires?

Le monde est complexe: voilà un lieu commun de notre siècle. Mais il a l’avantage de nous mettre en garde contre des analyses simplistes (comme, par exemple, d’associer l’arrivée des réfugiés syriens avec un danger pour notre sécurité et notre bien-être, un scénario de peur qui n’est fondé sur aucune preuve empirique). Parfois, les risques ne sont pas là où on les attend.

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