Sortie à droite

Boris Johnson Photo: Matt Cardy/Getty Images

C’est un profond sentiment de dépossession qui a poussé les Britanniques à choisir de quitter l’Union européenne (UE). Un sentiment légitime auquel le camp du «Leave» (quitter) a répondu par des principes forts : «Récupérons notre pays!» Des mains de qui? Voilà où le bât blesse.

La campagne du Brexit a été portée par des idées, des forces politiques et des arguments réactionnaires et dangereux. On a beau se réjouir que les Britanniques aient fait un geste fort de prise en main de leur destinée, on ne peut pas comprendre ce geste indépendamment du contexte qui l’a encadré et engendré. Ce contexte a été une campagne de peur xénophobe, devenant de plus en plus cynique et démagogique. Le meurtre de la députée Jo Cox, qui militait pour le maintien dans l’Union européenne (le camp «Remain»), aux mains d’un néonazi en faveur du Brexit aura été le point culminant de cette campagne devenue violente.

Le référendum portait sur l’appartenance à l’UE, mais est devenu un vote par procuration sur l’immigration. Le camp «Leave» a fait du rejet de l’immigration la pièce maîtresse de sa campagne, annonçant qu’une sortie de l’UE signifierait moins d’immigration, et que moins d’immigration équivalait à plus de «sécurité». Mais dans une Europe où les inégalités explosent, l’insécurité que vivent les gens est de nature politique et économique. La sécurité qu’ils espèrent, c’est un accès aux services publics, à des logements abordables et à des emplois sûrs. Les résultats ont déjà montré que ceux qui ont voté pour sortir de l’UE sont les plus âgés, les chômeurs, les moins scolarisés. Bref, les plus vulnérables de la société. L’immigration a été le bouc émissaire facile.

Le camp «Remain» aura fait l’erreur monumentale de s’être refusé à reconnaître la frustration croissante des Britanniques à l’endroit de l’Union européenne (UE). Comme bien d’autres peuples européens, ils sont déçus de l’écart entre le rêve de l’union continentale et la réalité : des institutions insuffisamment représentatives, un pouvoir démesuré conféré à la branche exécutive, la Commission européenne (non élue) qui a peu ou pas de comptes à rendre aux citoyens des pays membres, le diktat de la Banque centrale européenne.

Les élites qui déplorent aujourd’hui ce divorce récoltent ce qu’elles ont semé par leur surdité devant les demandes de plus en plus sonores de réformer l’UE pour qu’elle soit plus démocratique, plus décentralisée, à l’écoute des peuples.

Cependant, le Brexit ne produira peut-être pas le résultat espéré par ceux qui ont voté oui. Les forces qui ont porté le Royaume-Uni vers la sortie de l’UE ne sont pas des forces qui militent en faveur d’une démocratie plus robuste et d’un Parlement plus représentatif de la population. C’est une droite dure, incarnée par Boris Johnson, qui ne cache pas son rêve de retrouver les grand principes du thatchérisme : libéraliser encore plus l’économie, réduire la place de l’État, renforcer les institutions de la finance.

La volonté des peuples de prendre leur destin en main est une poursuite noble. Mais simplement changer de maître ne fait pas un peuple plus libre.
Un scénario plus optimiste verrait le sentiment xénophobe calmé par la sortie de l’UE. Dans tous les cas, les prochains gouvernements ne pourront plus blâmer l’Europe pour leurs échecs ou leur non-respect de promesses. Les Anglais pourraient même demander des réformes démocratiques. On ose l’espérer.

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