Quel gaspillage!

Donald Trump. David Zalubowski / The Associated Press Photo: David Zalubowski / The Associated Press

Il y a quelque chose de pourri au royaume du discours politique. Le populisme qui se fait passer pour du «franc-parler» prend du galon en Europe et aux États-Unis. La peur a remporté la campagne du Brexit. La surenchère anti-establishment de Trump lui a fait gagner l’investiture républicaine. On aurait tort de croire que ce ne sont «que des paroles». Ces paroles façonnent notre perception collective de la réalité. Et nous font perdre une formidable occasion de faire progresser nos sociétés.

Pourquoi ces discours sont-ils populaires? Car ils nourrissent le sentiment de méfiance grandissant qu’entretient une partie de la population envers les institutions de la démocratie représentative. En 2002, 44 % des Américains répondaient oui à la question : «Est-ce que votre pays est gouverné par la volonté du peuple?» En 2015, c’était seulement 15 % des Américains qui répondaient oui.

Le «baromètre de la confiance», une mesure de la firme Edelman, montre qu’en 2016, la confiance des peuples dans leurs gouvernements s’est écroulée partout dans le monde.

En attaquant les élites et les causes qu’elles défendent (inclusion, diversité, mondialisation, libéralisation des marchés), les politiciens populistes font écho à ce mécontentement. Mais une fois la frustration reconnue et ainsi légitimée, plutôt que de proposer des solutions concrètes et réalistes aux maux qui touchent les peuples, ces démagogues pointent des cibles faciles (notamment les minorités raciales).

En 2002, des politologues (Hibbing et Theiss-Morse) ont réalisé une recherche à partir de sondages et de groupes de discussion pour savoir ce que les Américains pensent de la politique partisane. Ils ont découvert qu’un tiers des Américains croient que la joute politique n’est que du théâtre. Ils considèrent que des remèdes évidents à nos maux collectifs pourraient être appliqués dès aujourd’hui, si ce n’était de la corruption des politiciens, trop occupés à servir leur propre intérêt. Les auteurs de l’étude ont baptisé ces électeurs «politiphobes», car ils ont la conviction que le débat politique n’est qu’un cirque et qu’il n’existe pas de réels désaccords sur les orientations à suivre. Il n’y a pas d’enjeux à trancher : des solutions flagrantes nous pendent au bout du nez, croient-ils, il ne s’agirait que de les mettre en œuvre si les élus cessaient de vaquer à d’autres occupations qu’à gouverner. Bien entendu, les solutions qui semblent évidentes à ces «politiphobes» sont celles qu’ils préfèrent…

La perte de confiance dans les institutions publiques est peut-être fondée, et on ne peut nier que les élus passent beaucoup de temps à faire autre chose que gouverner; ils consacrent bien de l’énergie à se vendre auprès de l’électorat et de groupes d’intérêt, et à chercher les moyens pour le faire. Mais ce fantasme d’un processus démocratique sans heurts nourrit invariablement une haine de la politique en général, du débat d’idées, de la délibération fondée sur des arguments raisonnés. Ceux qui s’en moquent, qui méprisent le débat, qui le tournent en ridicule, ceux qui, comme Trump, répondent à leurs adversaires par des attaques personnelles, sont alors jugés les plus constructifs!

C’est la politique de la terre brûlée : des leaders populistes profitent du sentiment de dépossession qui habite les citoyens, quitte à exacerber la haine des institutions pour lesquelles ils briguent les suffrages. Un sentiment de dépossession qui pourrait au contraire être le moteur des réformes dont nos systèmes politiques et économiques ont cruellement besoin.

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