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Quand le privé s’empare de la ville

Photo: Carbonleo

On peut difficilement reprocher au maire de la Ville de Mont-Royal, Philippe Roy, de ne pas être un homme de conviction.

Il a beau aller contre vents et marées depuis des mois pour faciliter l’arrivée de son controversé mégacomplexe de divertissement, le Royalmount, rien ne semble en mesure de le faire reculer.

Il me corrigerait probablement quand je dis «son» mégacomplexe, puisque c’est en réalité celui du promoteur Carbonleo. Mais à l’écouter défendre bec et ongles le projet en assemblée publique la semaine dernière, on pouvait pratiquement croire que c’est le sien. Il y tient beaucoup. Peut-être même un peu trop.

Les citoyens se succédaient au micro pour lui rappeler que le Royalmount a été entièrement dessiné par le privé, derrière des portes closes, sans consultation publique; il est resté de glace. D’autres ont essayé de l’ébranler en évoquant l’impact d’un tel développement urbain sur la congestion routière et la qualité de l’air des quartiers avoisinants; rien à faire. Les études de circulation du promoteur [gardées secrètes jusqu’à présent] semblent le satisfaire, même si c’est Carbonleo qui se cache derrière une des pires erreurs urbanistiques des années 2000: le Dix30 de Brossard.

Mais ce qui m’a le plus estomaqué dans le discours de M. Roy, c’est la phrase suivante: «Il n’y a personne au Québec qui peut être contre un projet de 1,6 milliard, financé à 100 % par le privé.» Son affirmation m’a fait sursauter et m’a aussitôt rappelé le documentaire Mainmise sur les villes, diffusé il y a quelques semaines sur la chaîne européenne ARTE.

De Paris au Royaume-Uni, le documentaire étudie le phénomène des quartiers entièrement dessinés [et même gérés, dans certains cas] par le privé, mettant en lumière la déresponsabilisation des villes en matière d’aménagement du territoire. Comme le souligne l’architecte français Frédéric Bonnet, le problème avec cette stratégie de plus en plus répandue, c’est que l’objectif du privé n’est pas forcément de développer la ville intelligemment: c’est de maximiser ses profits au pied carré.

Carbonleo ne fait pas exception à cette règle. Sous la couche de vernis «écologique» qu’on tente d’ajouter au Royalmount, on retrouve un Walt Disney commercial qui bénéficiera avant tout au promoteur. Une fois le mégacomplexe bâti, Carbonleo n’en aura rien à cirer des bouchons de circulation et des gaz à effet de serre qui seront générés dans le secteur. Il encaissera les revenus de son parc immobilier, assis tranquillement chez lui.

La Ville de Mont-Royal aurait dû être plus sévère dans ses exigences, notamment en demandant qu’un volet résidentiel soit ajouté au Royalmount afin de créer un milieu de vie plus organique. Le tout aurait généré un achalandage naturel auprès des commerçants, tout en réduisant les déplacements automobiles au quotidien. Mais non, ce n’était pas «une avenue intéressante», m’a simplement répondu le maire. Il aurait fallu gérer la construction d’une école, de garderies. En d’autres mots, on se serait compliqué la vie alors qu’on peut simplement encaisser le chèque.

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