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Des lesbiennes et du pétrole

Un militant en faveur de l’exploitation des sables bitumineux canadiens a peut-être conçu la rhétorique la plus sexiste, la plus lesbophobe et la plus naïve qui soit pour vendre sa salade : «Au Canada, on considère les lesbiennes excitantes. En Arabie saoudite, si tu es lesbienne, tu meurs. Pourquoi importons-nous du pétrole de pays qui ne trouvent pas les lesbiennes excitantes? Choisissons l’égalité, choisissons le pétrole canadien.» Le tout était accompagné d’une photo aguichante de femmes s’embrassant. L’image est devenue virale avant que son auteur ne la retire de sa page Facebook en présentant ses excuses.

Robbie Picard, l’homme derrière la page Canada Oil Sands Community, une initiative personnelle de sa part, est lui-même homosexuel. Pourquoi ne lui est-il pas venu à l’esprit d’utiliser une image d’hommes en train de s’embrasser plutôt qu’une iconographie visant à plaire au regard masculin hétérosexuel? Ah! oui : peut-être parce que deux hommes qui s’embrassent, le Canada des sables bitumineux ne trouve pas ça très hot. De toute manière, il n’y a rien comme des femmes chosifiées pour vendre une idée, non?

Si on met le sexisme de côté, force est de reconnaître que cette campagne n’était pas si originale que ça. Durant le débat sur la Charte des valeurs, l’idée selon laquelle il fallait empêcher les travailleurs de l’État de porter un signe religieux sous prétexte que les religions sont homophobes a beaucoup circulé.

L’argument n’était pas enrobé de chosification sexuelle, mais la cause LGBTQ était instrumentalisée au même titre. Il n’est pas rare que notre ouverture légendaire envers la diversité sexuelle soit présentée – par des gens qui tiennent par ailleurs des discours homophobes ou transphobes – comme un signe de supériorité nationale. Il faut généralement se méfier de ceux qui disent se battre pour les droits des minorités en s’en prenant à d’autres minorités.

Mais le cas qui nous intéresse aujourd’hui est différent. Le message de Robbie Picard a beau être maladroit, il marque tout de même un point : l’Arabie saoudite est un des  10 pays de la planète où l’homosexualité est passible de la peine de mort.

Si on peut difficilement changer les choses là-bas, il n’est pas farfelu d’envisager de modifier nos rapports avec ces pays qui réservent un traitement injuste aux minorités sexuelles. On pourrait commencer par ne pas leur vendre des armes, mais on pourrait aussi boycotter leurs exportations. On a déjà vu plus candide comme proposition : lorsque la Russie a adopté une loi homophobe, certains ont voulu qu’on boycotte la vodka russe.

Toutefois, les consommateurs canadiens ont bien peu de contrôle sur la provenance du pétrole qu’ils utilisent. Leur meilleure option est peut-être de réduire leur dépendance au pétrole. Y compris le pétrole canadien pro-lesbiennes.

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