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Soumises et dangereuses

The Associated Press Photo: The Associated Press

Dormant, étendue sur le sable chaud d’une plage de Nice, une femme qui portait ce qui avait de loin les allures d’un burkini a été interpellée par quatre agents de la paix, qui l’ont priée de retirer ses vêtements avant de lui donner une contravention. Troublait-elle l’ordre public? Constituait-elle une menace à la sécurité publique, à l’hygiène ou aux bonnes mœurs? Visiblement, pour la police niçoise, oui.

Ce qu’il y a de fascinant, avec les arguments anti­burkini, c’est qu’ils postulent à la fois que les femmes qui le portent seraient soumises et incapables de faire des choix pour elles-mêmes, mais qu’en même temps, elles représenteraient une menace, un danger à éliminer. Or, par définition, une personne qui est soumise détient très peu de pouvoir. Comment démêler tout ça? Cette contradiction n’est pas insoluble si on analyse la situation en tenant compte des dynamiques d’oppression impliquées dans
cette affaire.

Selon certains, la femme qui porte le burkini serait soumise à l’oppression de son mari, de sa famille ou de sa religion. Dur à dire. En effet, il est difficile d’évaluer le degré d’autonomie des femmes pour prendre des décisions dans un contexte de choix limités par une panoplie de facteurs. Ce serait comme essayer de déterminer si on endure les douleurs de l’épilation à la cire par soumission aux diktats patriarcaux ou simplement par coquetterie. Par contre, lorsque l’État interdit formellement à des femmes de porter un certain type de vêtement, sans motif raisonnable, sous peine d’être expulsées d’une plage ou «libérées de force», l’oppresseur est plus facile à identifier : c’est l’État.

La femme en burkini serait donc soumise… à l’oppression de l’État, mais en quoi constitue-t-elle un danger? Elle serait une menace parce qu’elle représenterait l’islam radical. Pourtant, tout indique que le burkini, qui permet aux femmes de fréquenter des lieux de débauche comme la plage et la piscine, serait loin de l’idéal des radicaux. Il y a fort à parier que les femmes réellement soumises à l’islam radical ne se trouvent pas sur les plages, mais comme on ne les voit pas, elles ne nous dérangent pas. La femme en burkini, elle, nous rappellerait, alors qu’on se fait paisiblement dorer le haut du corps au soleil, que l’islam radical menace l’Occident, même si les héritiers du christianisme y dominent encore les institutions. Les nombreux attentats commis par des hommes fourniraient la preuve du bien-fondé d’un contrôle resserré des choix vestimentaires des femmes.

Les moments de panique morale nous incitent souvent à montrer du doigt un bouc émissaire innocent qui nous détourne des vrais coupables et qui, bien souvent, est la première victime des troubles invoqués. Si la crainte de l’islamisme radical suscite des tensions en France, rien ne justifie que des femmes souhaitant se baigner soient pénalisées, dans ce pays dont la devise – «Liberté, égalité, fraternité» – ne veut plus rien dire.

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