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Burkinis et coiffes sacrées

FILE - In this image Monday Aug. 29, 2016 file photo taken from video, Nesrine Kenza who says she is happy to be free to wear a burkini, and two unidentified friends wade into the sea, in Marseille, southern France. A French court has overturned Thursday Sept. 1, 2016 a ban on "burkinis" in Nice, the last of a series of similar decisions regarding bans on the swimwear in coastal municipalities that have prompted controversy at home and a wave of outrage abroad. (AP Photo) Photo: The Associated Press

Deux débats occupaient l’espace discursif, la semaine dernière. Deux débats qui pourraient sembler similaires, parce qu’ils portent sur l’habillement et, dans une certaine mesure, le sacré, mais qui sont en fait fort différents. D’une part, on continuait de se demander s’il pouvait être légitime d’interdire le port du burkini dans les lieux de baignade; de l’autre, on critiquait le fait que des enseignantes aient accueilli des élèves munies d’imitations de coiffes autochtones – ou on s’offusquait que cela suscite la controverse, selon sa sensibilité idéologique.

Certains ont fait des rapprochements entre les deux débats, car ils semblent illustrer des contradictions qui seraient propres à un certain progressisme jugé trop tolérant lorsqu’il est question de religions. Par exemple, dans un échange que le professeur Normand Baillargeon a rendu public sur sa page Facebook, un juriste expliquait que «ceux qui déchirent leur chemise devant les interdits du burkini doivent savoir qu’une mesure d’interdiction au nom de la “symbolique”, comme celle invoquée par ceux qui condamnent “l’appropriation culturelle”, comporterait les mêmes difficultés qu’un interdit du burkini». Bref, selon ce juriste, il serait tout aussi difficile de justifier légalement l’interdiction du port de coiffes autochtones, par exemple, que l’interdiction du burkini.

Voilà qui m’apparaît logique. Mais, sans être juriste, il me semble pourtant y avoir une différence fondamentale entre interdire et critiquer. Le burkini a fait l’objet d’arrêtés municipaux. Son interdiction était décrétée dans des lieux publics, avant d’être renversée par le Conseil d’État français. L’appropriation culturelle, elle, fait l’objet de discussions. Les enseignantes qui ont porté des coiffes autochtones dans une école d’Outremont ont été critiquées pour la maladresse de leur démarche. À ma connaissance, personne ne revendique l’interdiction des coiffes autochtones dans les lieux publics. Le festival Osheaga, qui les a bannies, l’a fait en vertu de ses prérogatives d’organisation privée, au même titre que des restaurants qui imposent des codes vestimentaires.

Une autre distinction, pas d’ordre juridique cette fois, demeure à faire. Dans un commentaire à un texte paru dans ce journal, le professeur de cégep François Doyon y allait d’une comparaison semblable en affirmant : «C’est drôle, le malaise des gens devant une femme en niqab n’est pas une raison suffisante d’interdire le niqab, mais le malaise des minorités est une raison suffisante pour se faire dire de ne pas se déguiser en Indien ou en Noir». On retrouve ici ce même amalgame entre interdire et critiquer, mais en prime, on tente de tracer une équivalence entre le malaise ressenti par les membres d’une majorité devant la différence, et celui ressenti par les membres d’une minorité devant une caricature de leur différence.

Pour le reste, soyez sans crainte, vous pouvez continuer à vous «déguiser en Indien ou en Noir». On ne vous mettra pas les menottes aux poignets, on ne vous humiliera pas sur la plage en vous ordonnant de vous changer, mais on ne se privera certainement pas de vous juger et peut-être même de vous critiquer.

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