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Comment nourrit-on la droite?

Photo: Getty Images

C’est fou comme on peut faire dire une chose et son contraire à ce qui se passe en France. En septembre dernier, pour légitimer le projet de charte des valeurs, Pauline Marois donnait la mère patrie, où on a adopté un modèle de laïcité fermée, en exemple à suivre, contrairement à l’Angleterre où «ils se tapent sur la gueule et s’envoient des bombes à cause du multiculturalisme».

Neuf mois plus tard, à l’heure de son bilan, madame Marois donne l’exemple de l’Europe pour mettre en garde les Québécois contre la montée de l’extrême droite. Faut-il rappeler que c’est notamment dans la France qu’elle érigeait en modèle que l’extrême droite populiste a fait les plus impressionnantes percées aux dernières élections européennes?

N’ayant pas assisté au congrès post-mortem du Parti québécois, il est difficile pour moi d’identifier de quelle sorte d’extrême droite madame Marois parle. En lisant les journaux, je comprends qu’elle évoque les programmes sociaux, comme les services de garde, des mesures collectives qui nous permettent d’atténuer l’écart entre plus riches et plus pauvres. En effet, je crois qu’il est facile de vendre l’idée de couper dans ces programmes parce qu’on paie trop d’impôts, mais qu’à long terme, ces programmes amoindrissent les frustrations et nous rendent collectivement plus heureux. Par contre, en évoquant la montée de l’extrême droite aux dernières élections européennes, on est tenté de croire que madame Marois fait le rapprochement avec la charte des valeurs qui, de l’avis de plusieurs, a fait couler le PQ. On retient les leçons que l’on peut.

Plusieurs endeuillés de la charte semblent ainsi comprendre la montée des partis d’extrême droite européens comme une réaction au manque d’action des gouvernements pour encadrer les enjeux liés à l’immigration et à la cohabitation de différentes cultures. «C’est ça qui arrive quand on n’écoute pas les craintes légitimes des citoyens», analyse-t-on.

Sur ce coup, je suis bien d’accord. Un gouvernement responsable doit tout faire en son pouvoir afin de répondre aux craintes de ses citoyens. Mais comment? En alimentant le mythe de l’islamisation de Montréal comme l’a fait Bernard Drainville ou en renseignant la population sur l’état réel de la pratique de l’Islam au Québec? En applaudissant les propos de madame Bertrand concernant l’islamisation de sa piscine, ou en rassurant la population quant aux lois qui encadrent déjà la fréquentation de lieux publics? En proposant un projet de loi qui empêche des femmes de servir dans la fonction publique en raison de leur appartenance religieuse, ou en encourageant leur accès à des professions bien rémunérées qui leur permettent de s’intégrer dans la société? En faisant croire qu’on s’attaque à une menace floue alors qu’on reste inactif devant de véritables menaces à la neutralité religieuse de l’État?

Le fait que le PQ ait décidé d’appuyer unanimement l’agitatrice Louise Mailloux – qui répand régulièrement des faussetés sur la «taxe casher», des énormités sur la circoncision et d’autres théories du complot-, dans sa poursuite par la militante féministe Dalila Awada, me laisse à penser que le PQ préfère la technique épouvantail à moineaux. Le problème, c’est que cette stratégie semble plus éloigner les partisans que la menace intégriste qui, si elle existait réellement, s’abreuverait certainement d’un tel discours d’exclusion.

En tirant des leçons aussi tordues de sa défaite, le PQ est exactement en train d’attiser l’extrême droite. D’un point de vue identitaire, il est cette extrême droite populiste dont on doit justement se méfier, qui, au lieu de répondre aux craintes de ses citoyens, les ont alimenté à des fins électoralistes. On a au moins de quoi se réjouir que ça n’ait pas fonctionné.

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