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Qui sauvera la peau de Radio-Canada?

On se demande pourquoi les Québécois, si attachés à leur diffuseur public, ne se remuent pas plus qu’il le faut pour freiner sa –de moins en moins– lente agonie. Comment se fait-il que les manifestations des amis de Radio-Canada ne rallient que des poignées d’employés? Le gouvernement Harper pourra continuer à saborder le navire en paix, puisque rien ne semble en place pour mobiliser plus de monde.

Sans surprise, la droite se réjouit que la société d’État soit forcée de couper dans le gras. Après tout, c’est «avec nos taxes» qu’on finance tout ça, ces maudites émissions de gauchistes pis de gratteux de guitares comme Série noire et Enquête.

Ce qui est plus étonnant, c’est de voir à quel point la gauche semble incapable de mobiliser ses troupes, même les principaux intéressés : les travailleurs qui s’apprêtent à perdre leur emploi. Bien sûr, une partie de la force de travail de la grande tour hésite à mettre de côté son devoir de réserve et se trouve mal à l’aise de prendre une position militante alors qu’elle a fait vœu de neutralité journalistique, principe érigé en code d’honneur chez certains collègues. Mais une autre explication réside dans le fait que plusieurs employés de la tour ne s’identifient pas au porte-étendard de la gauche, le mouvement syndical, et voient même dans les syndicats une partie des raisons de leur malheur.

Plusieurs jeunes ne se sentent pas défendus par les syndicats de Radio-Canada. Ce sont eux qui perdront leur emploi au profit d’une génération confortablement protégée par le principe d’ancienneté. Ce sont eux qui se font tasser année après année par des «travailleurs plus expérimentés». C’est une anecdote à prendre pour ce qu’elle est, mais une amie me racontait que l’un d’eux était venu sentir à son étage «pour voir quel bureau il pourrait bien voler», en se frottant les mains. De la belle so-so-solidarité.

À tort ou raison, cela rend plusieurs jeunes plus sympathiques à la cause de leurs supérieurs immédiats, qui ont les mains liées tant par la haute direction qui coupe leurs budgets que par les conventions collectives qui les empêchent parfois de garder les meilleurs éléments aux meilleurs postes, ou de prendre des décisions sensées en vertu d’un principe de protection des métiers. Comment peut-on espérer que ces jeunes travailleurs non protégés aillent brandir des pancartes de la CSN pour défendre une conception du travail radio-canadien comme à l’usine?

Une certaine gauche nationaliste se retrouve également en situation de dissonance cognitive : protéger une société d’État, oui, mais une société d’État qui fait la promotion du fédéralisme from coast to coast? Elle oublie que ce qu’elle appelle «Radio-Cadenas» est surtout un important vecteur de protection de la culture et de la langue françaises en Amérique du Nord.

Quant au public, semblerait que tant que l’Auberge du chien noir sera en ondes…

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