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Allaiter en public, vraiment accepté?

On a accusé Mélodie Nelson, cette mère à qui on a montré la porte de la pataugeoire alors qu’elle donnait le sein à son enfant, de plusieurs choses. On a dit d’elle qu’elle était quérulente et qu’elle ne cherchait que l’attention médiatique.

On lui a aussi reproché de vouloir «enfoncer des portes ouvertes», étant donné que l’allaitement est déjà légal au Québec, protégé par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et par la Charte canadienne des droits et libertés. Les défenseurs de cette position se basent généralement sur leur expérience personnelle pour dire qu’il n’y a aucun problème avec l’allaitement en public au Québec et que les cas de mauvaise interprétation de la loi par un sauveteur de 17 ans sont anecdotiques. M’est d’avis que c’est plutôt l’allaitement en public qui est anecdotique, encore aujourd’hui en 2014.

Allaiter en public a beau être légal, ça ne veut pas dire que toutes les mères sont à l’aise de se prévaloir de ce droit. Pour toutes sortes de raisons éminemment personnelles. Certaines mères ne sont même pas à l’aise d’allaiter auprès de leur cercle restreint de proches et se cachent sous de grandes étoffes ou s’isolent lorsque leur progéniture demande le sein. D’autres se font montrer une pièce avec les meilleures intentions du monde lorsqu’elles s’apprêtent à donner le sein. D’autres encore repèrent avant leurs déplacements les salons d’allaitement qui se trouveront sur leur chemin, le plus souvent dans les boutiques de maternité. Je ne les juge pas. Je constate simplement qu’il ne suffit pas de dire qu’une chose est légale pour qu’elle soit adoptée, intégrée et acceptée.

Je revendique souvent à la blague le droit de faire mon jogging torse nu pour illustrer le fait que la sexualisation du sein féminin – un phénomène culturel – est une atteinte à l’égalité hommes-femmes. On me demande alors : «Le ferais-tu?» La réponse est non. Je ne serai jamais à l’aise de courir torse nu ou de faire quoi que ce soit en public sans soutien-gorge. Mais je crois profondément que c’est un droit que les femmes devraient avoir et dont les générations futures pourront, je l’espère, se prévaloir. Pour que cela soit mis en pratique, encore faudra-t-il un changement de culture.

On ne peut pas simplement clore le dossier de l’allaitement en public en se disant, en toute bonne conscience, que c’est aujourd’hui légal. Il faut une culture de l’allaitement en public. Il faut qu’un tit-cul ayant une job d’été regarde la personne qui vient de lui demander de dire à une mère d’arrêter d’allaiter en public avec la même incrédulité que si on venait de lui demander d’expulser au nom de la pudeur toutes les femmes ne portant pas le burkini. Pour ça, il faut des campagnes de sensibilisation. Mais ne vous inquiétez pas : ça ne coûtera pas un sou de vos taxes. Des mères quérulentes cherchant l’attention médiatique s’en occupent déjà gratuitement.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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