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Thérèse qui?

Quatre pionnières, Idola Saint-Jean, Marie Lacoste-Gérin-Lajoie et Thérèse Forget-Casgrain qui ont milité pour le droit de vote et d'éligibilité des femmes ainsi que Marie-Claire Kirkland, première femme élue au Parlement du Québec. Photo: © CCNQ, Anne-Marie Gauthier

Dans le grand livre d’histoire du Canada, on ne peut pas dire que les femmes noircissent trop de pages. Normal : aux époques où tout se jouait, la découverte, la colonisation, la conquête, la confédération, les femmes n’étaient pas encore considérées comme des adultes. Le rôle qu’elles jouaient ne pouvait être consigné dans aucun traité, aucune déclaration.

C’est tout juste si l’on reconnaît aujourd’hui leur participation. On a récemment concédé à Jeanne Mance le rôle de co-fondatrice de Montréal, 339 ans après sa mort. Laura Secord a dû quêter une compensation financière à l’armée tout au long de sa vie, pour l’obtenir finalement à 85 ans. Quant aux exploits de Madeleine De Verchères, on raconte aujourd’hui qu’ils ont été le fait de fabulations de la part de la jeune héroïne.

Même dans l’histoire plus récente, il semble difficile pour les femmes de se tailler une place. Ne retient-on pas la lutte pour l’avortement comme le combat d’un seul homme? Henry Morgentaler était un chic type, mais que retient-on des milliers de femmes anonymes qui se sont battues pour le libre-choix? Une pensée spéciale pour celles qui ont aidé Chantal Daigle à traverser les lignes américaines déguisée en punk pour se faire avorter à Boston… Ces héroïnes des temps modernes ont peut-être encore le temps d’être réhabilitées, mais il faudra toutefois accepter que des filles du roi discrètes et autres fondatrices parties sans laisser de trace n’aient pas de monument à leur nom.

Or, qu’advient-il quand on peut définitivement mettre un nom féminin sur un exploit? Un petit nom, comme Thérèse Casgrain, sur un grand exploit, comme l’accès des femmes à la démocratie au Québec? Une bataille que madame Casgrain a menée, en plus des autres, durant près de 20 ans. Ne devrions-nous pas chérir ce nom? Lui donner une place de choix? Au Canada, ce visage a été remplacé par un brise-glace sur les billets de 50$, et ce nom a été retiré d’un prix pour le bénévolat. Sans plus d’explication, on a remplacé ce nom par celui du Premier Ministre, comme si cela apportait quelque chose, de rendre un prix pour le bénévolat plus partisan. De toute façon, who cares about Thérèse Whatever? a dû se dire le fonctionnaire derrière cette décision. C’est pas comme si on avait pigé dans un grand bassin de femmes à qui retirer les honneurs. Nous avons peu d’héroïnes, de grâce, préservez celles qui nous sont accordées!

Qu’une femme, québécoise de surcroit, émeuve peu nos conservateurs n’est pas surprenant. Mais il y a quelque chose de profondément dérangeant à ce que l’histoire soit façonnée, ou plutôt déconstruite, au gré des gouvernements. Dans un nouveau questionnaire de Citoyenneté et Immigration Canada, Louis Riel, l’un des rares membres des premières nations à avoir sa page d’histoire – est présenté non pas comme le fondateur du Manitoba, mais comme une sorte de terroriste. Pour une histoire canadian bien blanche et masculine, on peut compter sur Stephen Harper.

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