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Ce que l’on peut apprendre du procès de Lise Thibault

Le procès pour abus de confiance de Lise Thibault a été prolongé. J’imagine que le juge avait beaucoup trop de plaisir à observer comment l’ex-lieutenante-gouverneure prenait sa fonction au sérieux. J’ai pris l’habitude de remplir mon bol de popcorn avant d’entreprendre la lecture de chaque article relatant le délire royal de sa majesté l’ex-vice-reine. Au point où j’ai fini par en avoir pitié.

Quand madame Thibault a demandé l’immunité royale en 2012, il était raisonnable de croire qu’il ne s’agissait là que d’une stratégie juridique en règle. Ne s’attend-on pas des avocats qu’ils tentent le tout pour le tout afin de défendre leur client, quitte à assumer de passer pour ridicules? Le cours des choses nous amène plutôt à comprendre que Lise Thibault s’était bel et bien mise en tête qu’elle était la reine du Québec.

Je me demande s’il y a un terme psychologique pour décrire le fait de parler de soi à la troisième personne, de se considérer comme quelque chose de plus grand que le «citoyen ordinaire», de penser que des cancéreux en phase terminale ont vécu le plus beau moment de leur vie lorsqu’ils nous ont rencontré, d’avoir si peu de considérations pour ses «sujets» dont le revenu annuel moyen de 30 000$ que l’on estime avoir à peine de quoi manger ses rôties le matin en cumulant plus de de 300 000$ par an en pensions de toutes sortes. Avoir perdu contact avec la réalité, peut-être? En langage populaire, on appelle ça «se la raconter».

Le procès de Lise Thibault porte à rire, mais il peut aussi nous mener à réfléchir. Dès le début de ses déboires, un consensus semble s’être installé au Québec pour ne pas prendre en pitié l’ex-lieutenante-gouverneure en vertu de son handicap. J’imagine que c’est par respect pour toutes les personnes qui, malgré leur handicap, ne volent PAS l’argent des contribuables. Et c’est très bien ainsi.

Mais en dépit de tous les discours anti-apitoiement que l’on entend au sujet des personnes en situation de handicap, de ces discours qui tendent à nous faire croire que tout est possible pour ces personnes, pourvu qu’elles fassent preuve de volonté, de ces discours qui n’ont pour but au fond que de nous déculpabiliser de ne pas faire de l’accessibilité une priorité tout en transférant ce sentiment de culpabilité sur ceux qui, après s’être débattus pendant des années pour mener une vie active malgré les difficultés, ont un peu envie de céder à l’apitoiement de temps en temps, force est de constater que vivre en fauteuil roulant, c’est un peu plus poche que vivre pas en fauteuil roulant.

Les partys au Mount Stephen Club, les dépenses en double et les paquets de viande à 5700$ sont injustifiables, mais si les abus de l’ex-vice-reine peuvent accomplir une chose, c’est nous emmener à prendre conscience des inégalités réelles que subissent les personnes en situation de handicap, des inégalités desquelles madame Thibault était arrivée à se soustraire.

Imaginez que vous voulez aller à la pêche. Si vous n’avez pas de limitation, vous allez simplement aller à la pêche sans vous poser de questions. Si vous avez un handicap, il y a de fortes chances que vous décidiez de ne pas aller à la pêche : trop compliqué. Si vous avez un handicap et l’habitude d’être aidée par quelqu’un dans vos fonctions officielles, il se peut que vous soyez tenté d’emmener l’aide à laquelle vous avez toujours accès avec vous. Parce que la réalité, c’est que vous n’avez pas le même accès que tous aux choses. En somme, Lise Thibault était une privilégiée parmi les non-privilégiés.

Une personne se déplaçant en fauteuil roulant n’a pas des conditions de vie égales à l’ensemble de la population. Elle est en grande partie dépendante du transport adapté pour ses déplacements, un service semi-fiable dont il faut prévoir l’utilisation la veille. Oui, tout est possible avec de la volonté, mais tout un peu plus compliqué. La qualité de vie de toutes les personnes se déplaçant en fauteuil roulant ne serait-elle pas simplement normalisée si celles-ci avaient toutes accès à un traitement un peu plus… royal?

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