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Parler de sexe à la garderie

Photo: Métro

J’observe d’un œil amusé ces jours-ci l’incapacité de certains commentateurs à cacher leur scepticisme en annonçant l’initiative de la Centrale syndicale du Québec (CSQ) d’aborder le sujet de l’identité sexuelle en CPE. Parler de sexe? Dès quatre ans? Vraiment?

J’en conviens, le mot «sexuelle» dans l’expression «identité sexuelle» peut faire peur. Mais l’initiateur du projet, Jacques Pétrin, président du Comité pour la diversité sexuelle et l’identité de genre de la CSQ, défend calmement son projet, précisant qu’on ne parlera pas de sexe à des enfants d’âge préscolaire. Plutôt, on s’emploiera à contrebalancer l’hétéronormativité dont on gave les enfants, depuis des siècles, dès leur plus jeune âge. Cendrillon, Blanche-Neige et autres Belle au bois dormant n’ont rien de mauvais en soi, mais si l’unique message qu’on envoie aux fillettes est qu’elles doivent rencontrer le prince charmant dans le but de vivre heureuses en ayant beaucoup d’enfants, on a un problème.

Parler de diversité sexuelle aux enfants, ce n’est pas simplement accorder une place indue aux familles homoparentales, une réalité (de moins en moins) marginale. C’est aussi contrer la socialisation genrée qu’on inflige aux enfants bien souvent sans s’en rendre compte. La campagne Like a girl, qui montrait récemment que même les filles intégraient négativement l’expression «faire quelque chose comme une fille», nous donne un aperçu des effets néfastes de ce phénomène, pas seulement sur la confiance des jeunes filles, mais sur tous ceux qui ne correspondent pas aux stéréotypes de genre.

Le projet de la CSQ répond en outre à un besoin réel. Une recherche réalisée à l’Université de Montréal révélait récemment que deux enseignants sur trois s’estiment mal outillés pour parler de diversité sexuelle à l’école. Si les élèves arrivent en cinquième année en sachant déjà qu’un gars peut aimer le rose et qu’il est possible d’avoir deux mamans, ce sera déjà ça de gagné. Si les profs ont en plus des livres à lire en classe pour aborder la question, c’est encore mieux.

De tout temps, les récits pour enfants ont été teintés de la morale correspondant aux valeurs de l’époque, qu’il s’agisse de Monsieur Peureux ou de Madame Chipie, de Caillou ou de La Belle et la Bête. Dans ce conte classique, Belle confronte ses préjugés et en vient à se faire sa propre opinion au sujet de celui que tous appellent «la Bête». Les millions d’enfants qui ont lu ce conte ne se sont pas transformés en monstre pour autant, si c’est ce qui vous inquiète.

Je ne vois pas pourquoi il serait inadéquat d’aborder la différence par l’entremise de Tango a deux papas, l’histoire vraie de deux manchots mâles du zoo de New York à qui les gardiens ont finalement accepté de confier un œuf, après les avoir vu construire un nid et se résigner à couver… une roche. Après tout, comment enseigner la tolérance autrement qu’en présentant la réalité banale des cas exceptionnels? À moins que nous jugions encore que l’homosexualité, c’est mal.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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