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La fierté

Pourquoi serait-on fier d’être gai, lesbienne, bisexuel ou trans? Je ne croyais pas qu’il était nécessaire de le préciser en 2014, et pourtant, la question revient souvent: pourquoi être fier de quelque chose qu’on ne peut pas changer? Parfois, elle s’accompagne d’un commentaire du genre: «Moi, je ne suis pas fier d’être hétéro.»

Cette interrogation maladroite qui suscite l’ire des communautés à qui elle s’adresse est pourtant pavée de bonnes intentions, puisqu’elle intègre à sa façon le discours claironné  depuis des années par les LGBT: l’homosexualité n’est ni une maladie ni un choix, c’est un fait et il n’y a rien qu’on puisse y faire, sauf l’accepter. Et en 2014, au Québec, c’est pas mal accepté.

Malheureusement, l’arrogance avec laquelle cette question est la plupart du temps posée annule à peu près tous les soupçons de bonnes intentions qu’on aurait pu y déceler. La question est  arrogante parce qu’elle suppose que les LGBT ne font pas la bonne chose en défilant dans les rues pour témoigner de leur fierté et qu’ils se plaignent le ventre plein, mais surtout parce qu’elle tient pour acquis que tout est déjà réglé. Elle témoigne ainsi d’une insensibilité quant aux préjudices que peuvent subir, encore aujourd’hui, les gais, lesbiennes, bisexuels et trans.

Le meilleur exemple de cette insensibilité réside dans la question cousine: «Pourquoi faut-il encore faire un coming out en 2014? Moi, je ne crie pas sur les toits que je suis hétéro.» Réponse: parce qu’en 2014, et probablement jusqu’en 2235, nous sommes tous présumés hétérosexuels jusqu’à preuve du contraire. Ce que ça signifie, c’est qu’un ange passera chaque fois que, dans un nouveau milieu, je parlerai pour la première fois de ce que j’ai fait avec ma blonde en fin de semaine
(ex: du camping).

L’autre jour, j’ai porté une attention particulière à un de ces fameux autocollants placés à l’arrière des voitures pour signifier aux autres de quoi votre famille est constituée. La famille en question était visiblement composée de deux mamans, et je n’ai pu m’empêcher de me demander pourquoi elles prenaient le risque inutile de faire égratigner leur voiture par un homophobe durant la nuit. Cette situation ne surviendra peut-être jamais, mais elle risque certainement plus d’arriver qu’en l’absence desdits autocollants.

C’est ça, la fierté. C’est, encore en 2014, ne pas être gêné d’afficher sa différence malgré les préjudices qui pourraient en découler. C’est aussi, dans une certaine mesure, être fier de la société québécoise qui a fait des choix collectifs pour que les gais, lesbiennes, bisexuels et trans puissent s’émanciper sans que leur orientation sexuelle ou leur identité de genre n’interfère, comme c’était le cas il y a à peine 10 ans. C’est être fier de savoir que le gouvernement serait de notre bord si on faisait face à de la discrimination. Dimanche, lors du défilé, j’étais fière qu’un policier dise à un hurluberlu venu distribuer des tracts disant que l’homosexualité, c’est mal, qu’il n’avait pas d’affaire là.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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