Soutenez

Si jeunesse pouvait

Vous l’avez sûrement manqué, parce que même si c’était seulement diffusé sur le web, mais hier, durant le gala d’après-midi de remise des Prix Gémeaux, l’acteur Albert Millaire a joliment accepté son prix dans la catégorie Rôle de soutien masculin dans un téléroman pour son rôle dans Mémoires Vives. «Tant qu’il y aura des arrière-grand-pères pour faire de la télé, elle sera bonne, la télé. Apprenez ça, le web!».

Pour comprendre cette boutade envers le web, il est nécessaire ici d’expliquer que plus tôt dans l’après-midi, la jeune actrice Laurie-Jade Rochon avait brillamment enfilé son rôle de baveuse envers les adultes en lançant des flèches aux producteurs qui avaient enfin saisi l’importance de créer des œuvres originales pour le web et de leur accorder de l’importance. «Ç’a pris du temps, mais vous avez fini par comprendre!» disait-elle, impayable.

Il est presque ironique que, durant le gala du soir, ce soit l’actrice Catherine Bégin qui ait reçu à titre posthume le prix de la meilleure interprétation féminine… médias numériques… pour son rôle de grand-mère dans la websérie Michaëlle en sacrament. Finalement, des vieux, sur le web, il y en a aussi.

Ça me donne envie d’inverser l’adage selon lequel si jeunesse savait et si vieillesse pouvait, rien ne se perdrait. Si les vieux – les décideurs – savaient ce dont les jeunes sont capables, rien, en effet, ne se perdrait. Ce n’est vraisemblablement pas toujours le cas, alors que plusieurs diffuseurs – particulièrement les deux plus importants, disons-le – semblent préférer les valeurs sûres aux nouveaux visages.

Au gala du soir, il fallait peut-être être dans la salle pour saisir l’enthousiasme suscité par les nominations de nouveaux visages, comme les comédiens de SNL Québec, Anne-Élisabeth Bossé pour son rôle dans Série Noire ou Les Appendices, qui ont littéralement fait lever la foule lorsqu’ils ont remporté le prix de la Meilleure série humoristique. Les Appendices, que l’on classe dans la catégorie «Nouveaux visages» même s’ils en sont à leur sixième saison, en étaient – hormis un prix pour le web reçu l’an passé – à leur première victoire hier soir. Hier, Guy A. Lepage remportait son 61e prix Gémeaux. Son premier remonte à quand les RBO étaient dans la mi-vingtaine.

Ok, c’est vrai, les amis des vieux visages sont peut-être un peu plus blasés quand leur vieux chums sont en nomination (ou lorsque Ti-Mé et Po-go présentent un prix), mais ce que j’entendais, dans la salle, hier soir, c’était une jeunesse qui criait son envie qu’on lui donne sa chance.

Je ne sais pas ce qui s’est passé entre la télé d’hier et la télé d’aujourd’hui. On dit que la nostalgie nous fait garder le meilleur de nos souvenirs et nous emmène à en extirper le pire, il est donc possible que j’aie une vision embellie des choses, mais comment est-il possible que Bernard Derome – dont la voix était présente lors du gala – qui ait décroché son premier poste d’animateur à Radio-Canada alors qu’il n’était âgé que de 23 ans? Sans vouloir tout mélanger – sans vouloir mélanger, notamment, le sacrosaint principe d’ancienneté défendu par les syndicats et le simple manque de vision des patrons – le collectif ICI précaires a trouvé une bonne formule pour illustrer le vieillissement des effectifs radio-canadiens : «S’ils travaillaient à Radio-Canada, Denys Arcand prendrait la place de Xavier Dolan.»

Entre les patrons qui ne leur donnent pas leur chance et les syndicats qui ne défendent pas leurs postes – souvent parce qu’ils n’en ont pas, de poste – les jeunes cherchent leur place en télé. Après ça, on se demande pourquoi les jeunes ne la regardent plus, la télé.

 

Albert Millaire avait raison. Il faut des arrières-grands-parents à la télévision. Parce que ce sont eux qui font les plus beaux discours et parce que la voix de Bernard Derome, ça clanche, ça va toujours clancher. Ça prend l’expérience de Guy A. Lepage. Ça prend des visages rassurants pour attirer les auditeurs. Mais il faut aussi renouveler son stock de visages. Félicitations pour ça à Télé-Québec et à V, et, bien sûr, à l’Internet, qui nous en procurent à la pelletée.

Durant le gala de l’après-midi, l’animateur Nicolas Ouellet, qui venait de remporter une statuette pour sa série Moins 25, qui met en vedette un paquet de personnalités de moins de 25 ans dans lequel, tiens, les diffuseurs pourraient peut-être trouver inspiration, lançait : «Lâchez pas les gens du web, on va y arriver!» C’était beau que lui et Tamy Emma Pepin, du monde du web, remportent les honneurs de ce gala diffusé sur le web. On leur souhaite de ramasser un jour des trophées au gala du soir. Idéalement, pas dans 20 ans.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.