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«Le Québec est dans le rouge» et autres formules «simples à comprendre»

Photo: Paul Chiasson

Ou comment, en l’espace de quelques secondes, PKP a mis en lumière le problème avec les médias sensationnalistes.

Quand Pierre Karl Péladeau a fait le saut en politique sans complètement se défaire de ses liens avec la plus grande entreprise médiatique du Québec, trois possibilités se présentaient aux employés de l’information de l’empire Québecor : 1) ne rien changer à leur pratique (probablement la moins pire option), 2) verser, consciemment ou inconsciemment, dans les faveurs du patron, ou 3) adopter une attitude volontairement plus intransigeante envers le candidat puis député péquiste, pour montrer à quel point on ne se laissera pas influencer par le fait que le politicien soit aussi le boss.

Personne ne s’était toutefois préparé à ce que l’inverse survienne : que PKP dénigre ses propres médias de façon à légitimer ses positions politiques. Dans une entrevue accordée à Gérald Fillion et massivement relayée jeudi dernier, PKP aborde la question de l’austérité imposée par le gouvernement libéral, sa «toujours en réflexion» candidature à la chefferie, ses parts dans Québecor, et la possibilité de tenir un référendum «en temps opportun». Mais ce qui me fascine le plus, dans cette entrevue, c’est quand, à 10 :05 minutes, monsieur économie demande à PKP «Est-ce que le Québec est-il dans le rouge?»

L’entreprise de discréditation des médias de Québecor qui s’ensuit est pour le moins étonnante :

PKP : Je sais que c’est la formule qu’on utilise fréquemment…

GF : …au Journal de Montréal, au réseau TVA, sous votre gouverne, on parlait de Québec dans le rouge. Je vous pose la question : est-ce que le Québec est dans le rouge?

PKP : C’est pas moi qui va vous donner des leçons en matière de médias.

GF : Non mais d’économie, je suis capable d’en prendre.

PKP : Il y a des formules qui sont utilisées par un certain nombre de médias. Vous voulez récupérer le plus de clientèle, le plus d’auditoires possible, bon, il y a des formules qui sont utilisées, parce qu’elles sont simples, simples à comprendre, et font en sorte de pouvoir récupérer un auditoire.

Ce que le candidat en réflexion à la chefferie du PQ admet même pas à demi-mot, c’est que les grands médias dont il est propriétaire et dont il a été le dirigeant utilisent des formules chocs dans le but premier non pas d’informer la population ou de dégager du sens du monde complexe dans lequel nous vivons, mais bien de «récupérer un auditoire».

Tout s’explique alors!

C’est donc pour récupérer un auditoire à l’aide de formules simples, que le Journal de Montréal a publié cette une révélant «des formations loufoques [payées avec nos taxes]» et, accessoirement, qu’il y a eu des «directeurs d’écoles au défilé de la fierté».

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C’est pour récupérer un auditoire, que le Journal de Montréal a publié cette une selon laquelle «On est trop accommodants».

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Cette une anti-vélo? Bah, simplement pour récupérer un auditoire.

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Cette une sur la prime de départ de Gaétan Barette aurait pu se limiter à être informative. Mais pourquoi faire simple et classy, quand on peut également récupérer un auditoire?

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Ainsi, ce n’était pas pour casser du sucre sur le dos des musulmans que cette une mettait de l’avant une femme portant le voile intégral (comme une infime minorité de femmes musulmanes au Québec) et un kirpan (?) au cou pour illustrer l’appui des Québécois à la charte des valeurs, c’était rien que pour RÉCUPÉRER UN AUDITOIRE.

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En somme, la révélation de PKP ne sera une grande nouvelle pour personne – sauf peut-être pour l’auditoire ainsi «récupéré» à coup de formules «simples à comprendre» depuis des années –, mais elle a l’avantage d’être assumée. C’est dommage pour les honnêtes journalistes qui se donnent corps et âme pour nous convaincre – souvent avec raison – que le journal pour lequel ils travaillent n’est pas si pire que ce que l’intelligentsia en pense. Qu’au-delà des formules sensationnalistes, il s’élève parfois au-dessus de la mêlée par ses enquêtes, par sa couverture étoffée des nouvelles internationales ou par les analyses de certains de ses chroniqueurs.

Avec un patron qui croit autant en son produit, pas besoin de détracteurs.

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